DISCOURS OU IL EST TRAITE de DIEU, CONSIDERE
- Comme Createur tout puissant qui Existe de toute éternité.
- Et où il est parlé ensuite du Monde qu'il a Creé.
- Et de la circonstance du commencement auquel il est dit, que Dieu a mis la main à ce Grand Ouvrage.
- Et où l'on touche enfin quelque chose des motifs par lesquels la consideration des Cieux & de la Terre doit porter les Chrêtiens à s'acquiquer des grands Devoirs de la Religion.
- Par raport à ces Paroles de Moïse, Dieu Crea au commencement les Cieux & la Terre.
QUelcun a été parfaitement bienFelix ille qui rerum potuit nos cere causa [...] Horatius. fondé à dire que celui là étoit heureux qui avoit pû acquerir la connoissance de l'origine des choses qui Existent dans le monde; car il faut avoir des lumieres extraordinaires, & une grande penetration d'esprit, [Page 2] pour pouvoir decouvrir la cause de toutes les merveilles qui se voyent dans la nature. C'est pour cette raison que l'on a traité d'hommes Divins, les Sages de l'antiquité Payenne, qui ont fouillé jusques dans les entrailles de la terre où se forment & se durciffent les Metaux, & les Mineraux dont ils ont decouvert le principe. On ne peut nier qu'ils ont fait clairement voir que les influences des Cieux, & l'ascendant des Astres, étoient la cause d'une infinité de choses merveilleuses qui arrivent dans le monde. Mais on peut aussi dire avec verité que quoi que les Anciens Philosophes ayent fait briller leurs belles lumieres dans la découverte qu'ils ont faitte de l'origine, & des causes de ce qui Existe dans la nature; il n'y en a eu cependant que tres peu parmi eux qui se soient élevés jusques à la premiere cause du monde: la plupart d'entr'eux s'étant arrétés à la consideration des causes secondes, sans remonter plus haut; parce qu'ils n'étoient éclairés que des lumieres de la raison que le peché a extrémement obscurcies: & ceux là même qui ont prétendu discourir de la cause generale & universelle de tout ce qui se void dans l'Univers, n'ont fait que tâtonner dans les tenebres, en traitant ce sujet. Il n'en est pas de même des Saints hommes qui ont été divinement inspirés, à la tête desquels le Prophete Moyse à l'honneur d'être. [Page 3] nous voyons que ce Divin Historien ayant entrepris de faire voir le principe, & l'origine de tout ce qui Existe dans la nature, commence le premier de ses Livres intitulé la Genese, ou si vous voulés la generation, par l'établissement de cette verité qui, fait le premier article fondamental de nôtre foy.
Dieu Crea au commencement les Cieux, & Gen. 1. 1. la Terre.
Il faut demeurer d'accord que ce recit qui renferme l'histoire de la creation du monde en abregé, est tres digne de faire la matiere de nos entretiens, & que personne ne doit trouver étrange, de ce que je l'ai choisi pour etre le sujet de ce discours, dans lequel je me propose de traiter de quatre choses.
Premierement, de Dieu qui Existe de toute eternité, le considerant sur tout sous l'ideé de Createur tout puissant. Secondement des Cieux, & de la Terre qu'il a creés.
En Troisiéme lieu, du commencement auquel Moyse dit, qu'il a mis la main à la creation du monde.
Et en quatriéme & dernier lieu, des motifs par lesquels la consideration des Cieux & de la Terre que Dieu à creés, doit porter les Chrêtiens à s'acquiter exactement des grands devoirs de la Religion.
CHAPITRE I. Où il est traité de l'Existence de Dieu, de ses divins attributs, & sur tout de sa puissance infinie qu'il a deployée en creant le monde.
Section premiere.
MOyse écrivit sans contredit l'histoire de la Genese, aussi bien que ses autres Livres Sacrés, pour le peuple d'Israël, que Dieu avoit choisi d'entre toutes les nations de la Terre, pour l'honorer de sa connoissance. C'est pour cette raison qu'il ne se conduit pas à son égard de même maniere qu'il se seroit conduit à l'egard de ceux qui ne connoissoient point Dieu. Il supose d'abord son Existence éternelle que ce peuple éclairé admetoit comme une chose constante & indubitable. On la prouve ordinairement par des argumens convaincans, lors que l'on a affaire à des Atheés qui nient la Divinité, & qui sont si insenses que de dire, ou du moins que de penser, qu'il n'y a point de Dieu. Ps. 14. 1.
Ces argumens sont prisen premier lieu, du consentement de toutes les nations de la Terre qui ont adoré quelque Divinité, & qui ont eu dans tous les siecles, quelque sorte de Religion, & quelque crainte d'une Puissance infinie, [...]ins en excepter les plusCitero de natural [...] crum. barbares, selo [...] l'expresse declaration qu'en a fait un celebre Auteur Payen.
Ils sont tirés en second lieu de la creation du monde, qui crie à haute voix, qu'il y a un Dieu tout puissant, qui l'a tiré du neant; par la raison qu'il n'a pû se produire soy méme, & qu'il a necessairement falu qu'il ait été fait par l'étre des étres, souverainement sage, & infiniment parfait, à qui toutes choses sont possibles.
En troisiéme lieu, de la Providence, qui conserve ce monde dans méme étal auquel il a été creé, depuis plusieurs siecles, & qui gouverne & dirige les evenemens.
En quatriéme lieu, des oracles des Prophetes qui ont été accompagnés de plusieurs miracles, que l'on n'a pû revoquer en doute, & qui ont eu leur accomplissement.
En cinquiéme lieu, de la conscience des hommes de toute sorte de nations, qui leur fait sentir de cruels remords, sans en excepter celle des plus prophanes, & des plus mechans hommes, leur representant qu'il y a un Dieu juste juge qui est vengeur des offenses.
Enfin, ces argumens sont pris de l'idée que tous les hommes raisonnables ont naturellement de Dieu, qu'ils conçoivent comme un étre souverainement parfait, qui renferme dans son essence toutes les perfections possibles, sans qu'il y ait aucun mélange d'imperfection. Car personne n'ignore que la raison rassemble toutes les perfections [Page 6] des choses que nous connoissons, & élongne avec soin toutes les imperfections qui sont attachées aux creatures pour former cette idée, parce qu'elle supose que Dieu est un assemblage de toutes les perfections, où l'on ne void aucun defaut.
Moyse n'avoit pas besoin de se servir de tous ces argumens, pour prouver d'abord au peuple d'Israël, en faveur de qui il écrivoit, qu'il y avoit un Dieu qui Existoit de tout éternité, parce que tous ceux qui s'approchent de Dieu par un acte de leur devotion, pour lui rendre les hommages de leur adoration religieuse, comme faisoient les Israëlites, sont invinciblement persuadés que Dieu Existe par lui méme, d'éternité, en éternité, & qu'il est le remunerateur de ceux qui le craignent, selon l'expresse declaration que S. Paul fait de cette verité; & l'on ne peut pas ignorer que la ReligionHebr. 11. 3. est établie sur ce fondement, qu'il y a un Dieu souverainement adorable, infiniment bon, qui est le souverain bien de la creature intelligente, & par consequent sa derniere fin qui la doit perfectionner. C'est pourquoy M [...]yse parlant de cette essence simple, invisible, spirituelle, incomprehensible, & infiniment parfaite, qui étoit l'objet de l'adoration du peuple d'Israël, dit, Dieu crea au commencemet les Cïeux & la Terre.
Section Deuxieme.
Mais bien qu'il supose son Existence dans cette declaration qu'il fait d'abord; cela n'empeche pas que l'on n'ait sujet de dire qu'il la prouve fortement, en lui raportant toute la gloire de la creation du monde. Car il ne faut avoir que du bon sens, pour étre porté à croire qu'il faloit necessairement que Dieu fût de toute éternité, pour pouvoir creer ce grand Univers, avant qu'il y eust aucun tems. Selon que le tems n'est autre chose que la durée des choses creées. Au reste il ne faut pas s'imaginer que le nom de Dieu que les autheurs sacrés donnent a cet esprit infini & immense, puisse exprimer sa nature dans toute son étendüe; car comme il est exemt de toute sorte de composition, sans en excepter celle que les Metaphysiciens appellent la composition du genre & de la difference; il ne peut étre divisé, ni defini pour cette raison là: & chacun peut aisément juger qu'il faudroit cependant qu'il le fût, si on pouvoit lui donner un nom qui seroit une courte definition de sa nature, ou de son essence. C'est cela méme qu'il eut dessein d'insinüer à Jacob, & à Manoha qui lui avoient demandé quel étoit son nom, lors qu'il repondit àGenese 3 2. Juges 13. 18. l'un & à l'autre d'un ton de voix rebutant. Pourquoi est ce que tu demandes mon n [...]m? C'est un nom qui est trop merveilleux. D'ou il est aisé d'inferer que l'Ecriture Sainte [Page 8] ne pretend pas marquer par les noms qu'elle donne à cét etre des etres qui est infiniment grand, toutes [...]es admirables proprietés, de méme que les hommes ont pour but d'exprimer toute sa nature par celui qu'ils donnent à chaque chose finie qui est composeé, & qui peut se diviser▪ par consequent, elle se propose simplement de nous en donner par leur moyen une idée autant grande & noble, que des esprits qui sont bornés, peuvent avoir d'une essence qui n'a point de bornes, & qui est infiniment parfaite; ainsi voyons nous qu'elle lui donne plusieurs noms, qui nous representent cét esprit infini tel que nous le pouvons concevoir, parce que l'on commence à acquerir la connoîsance des choses qui Existent, dés que l'on vient à sçavoir leurs noms.
Ils nous marquent plusieurs de ses admirables proprietés. Il y en a qui nous mettent devant les yeux la simplicité de son essence, & eternité, comme celui de Jehova qui emporte precissément dans sa signification, autant que qui diroit, celui qui Existe, avec toutes les differences du tems passé, present, & avenir, qui est, qui étoit, & qui sera. Que Dieu lui méme explique par ces paroles, Je suis celui qui suis. Les Juiss ne le prononcent pas par respec, & ils pretendent étre bien fondés à s'en dispenser, en disant qu'il est ineffable, parce que c'est le nom [Page 9] propre de Dieu, celui qui approche le plus prés de son excellence infinie, & qui fait voir plus clairement qu'aucun autre, qu'il n'est rien autre chose qu'un pur étre, ou un etre simple où il n'y a point de mélange du non etre, & où il ne se peut trouver par consequent d'imperfection.
Il y en a qui nous representent la suffisance de son fonds, qui est si riche, qu'il n'a pas besoin de tirer d'un autre, ce qui lui est necessaire, pour être parfaitement heureux, comme [...] celui de Sadaï, qui signifie un étre qui est suffisant à soi même.
Il y en a encore qui marquent sa souveraineté, & l'empire absolu qu'il exerce de droit sur toutes les creatures, qui lui sont redevables de leur étre, comme celui [...] Dominus [...] Domini verûm enim vero etiamsi sit nomen plurale habet nihilominus sen sum singularem. d'Adonaï, qui repond au nom de Seigneur de nôtre Langue, c'est ce nom là que les Juifs mettent en la place de Jehova.
Il y en a enfin qui marquent sa puissance, tel qu'est celui [...] d'Elohim, que Moyse a employé dans le premier verset de son Livre de la Genese, qui répond à celui de Dieu de nôtre Langue, en y ajoutant l'Epithete de fort. Quelques uns font deriver ce nom de Dieu d'un terme Grec Dictum volunt [...], alii [...] quòd omnia intuetur alii [...] quia nunquam defes [...]us est [...]g [...] qui signifie se mouvoir avec vitesse, jusques à courir, parce que cet etre des etres agit toujours, étant un pur acte, ou d'un autre dont les Grees se servent, pour dire contempler; parce que les [Page 10] yeux de Dieu contemplent toutes ses oeuvres, & que ses paupieres sondent les fils des hommes, & considerent toutes leurs demarches, Ps. 11. 4. Gen. 1. 31.
C'est sans doute avec beaucoup de sagesse que l'Historien Sacré a donné ce nom de Dieu fort au Createur du monde, car il fait voir en le lui donnant, l'infinie disproportion qu'il y avoit entre lui, & les faux Dieux des Nations, qui étoient des Dieux de neant, la foiblesse & la vanité même, des chimeres qui n'avoient aucune realité, ne subsistant que dans l'imagination des hommes visionnaires, & fous.
Il insinüe en second lieu aux Israëlites, que c'étoit celui là même dont ils avoient reconnu la puissance infinie, la Majesté, & la souveraineté sur les creatures, sur les Dieux, & sur les Roys des Egiptiens, qu'il avoit domtés & subjugues d'une maniere si glorieuse, qu'il avoit fait voir leur foiblesse [...] & leur impuissance, par la delivrance miraculeuse qu'il leur avoit accordée de la Servitude, sous le joug de laquelle Pharao Roy d'Egipte les faisoit soupirer.
Il marque en troisiéme lieu par ce nom de Dieu fort qu'il lui donne, que nul autre que celui qui s'asujetissoit toutes choses par sa puissance infinie, n'ût jamais pû venir à bout de creér les cieux, & la Terre; les Anges même du Cicl n'étans pas capables, [Page 11] quoi qu'ils soient extrémement puissans, de creér le moindre insecte.
Section trosime.
Enfin, comme les Hebreux ont tres-bien remarqué que le terme d'Elohim embrasse dans l'étendüe de sa signification, l'authorité Souveraine, & un pouvoir absolu, aussi bien que la force, & la puissance. Ce nom-là convient encore parfaitement bien à Dieu, entant qu'il est le Dieu des Dieux, le Roy des Roys, le Souverain Monarque du monde, qui fait ce qui lui plaist au Ciel & en la Terre, & dont la toute puissance ne peut étre bornée que par le decret de sa volonté, & par la verité de son entendement. C'est là la seule raison qui l'empeche de faire ce qui implique contradiction, parce que tout ce qui tombe dans la contradiction, est un non étre, & par consequent une fausseté, & un mensonge, contraire à sa verité; & outre cela, un pur neant. D'où il s'ensuit manifestement que s'il faisoit des choses contradictoires, il tomberoit dans la derniere de toutes les imperfections, en devenant contraire à lui-même, & que tout l'effort de sa puissance se termineroit à ne rien faire, de sorte qu'il faudroit presuposer qu'il seroit la foiblesse même.
Mais il ne faut pas passer sous silence, [...] Elohim pluralis est numeri, ba [...]a singularis, [...] legi possit creavit Dii non dixit [...] id est creave [...]unt Dii, ne pluralitatem Deorum introducere videretur, nec dicit. [...] id est creavit Deus [...] Mysterium hoc Triadis in opificio mundi prorsus negligeret & cooperationem verbi, ac spiritus Dei excluderet. Haec sunt verba Musculi. Deus. [...] Cabilisticè. [...] diciu [...], quòd [...] Deus si [...]t & indè [...] per modum Mysterii expressum est que le terme d'Elohim que nous avons rendu par celui de Dieu, est un nom pluriel, que Moyse a joint avec un Verbe [Page 12] qui est au nombre Singulier, sçavoir à celui de Bara, qui signifie, à creé: Ce qui nous donne lieu de croire d'un côté, qu'il a été bien éloigné de vouloir donner la moindre atteinte à l'unité de l'Essence Divine; & d'un autre, qu'il s'est proposé d'établir plusieurs Personnes Divines qui subsistent dans cette adorable essence d'une maniere distincte & qui ne sont toutes cependant qu'un seul & même Dieu qui à creé le monde, bien qu'elles ayent toutes trois également contribüé à l'oeuvre de la Creation de l'Univers.
Les Chrêtiens qui reçoivent avec obeïssance de foy la revelation celeste, font de cette verité, un Article Fondamental de leur creance, en quoi ils sont parfaitement bien fondés, pour plusieurs raisons.
La prémiere est qu'ils voyent dans l'Ecriture sainte que comme le Pere y est appellé le createur du monde, le Fils y est aussi reconnu tel, & le S. Esprit semblablement; selon que Moyse represente ces trois Personnes Divines comme trois agens qui concourent dans la production de l'Univers, le Pere comme la premiere Personne qui mit la main avant les deux autres à ce grand ouvrage. Il introduit la parole [Page 13] comme la seconde, dont le Pere se servit pour produire la lumiere, l'étendüe & la Terre, l'ayant fait intervenir en la creation de toutes les parties du monde.Gen. 1. 3, 6, 7. Ce qu'il a eu dessein d'insinüer, en disant, Et Dieu dit que la lumiere soit, & Dieu dit qu'il y ait une étendüe qui separe les eaux d'avec les eaux, & ainsi à l'égard des autres choses qu'il crea; à quoi St. Jean a sans douteSt. Jean 1. 3. égard au premier Chapitre de son Evangile, où il dit, de la Parole éternelle, que sans elle rien de tout ce qui a été fait, Gen. 1. 2. n'auroit jamais été fait. Il represente enfin le Saint Esprit qui déploye de son côté une puissance infinie pour vivifier les créatures, en disant expressement, que l'Esprit de Dieu Gen. 1. 2. se mouvoit sur les eaux. Ces paroles emportent autant que s'il eût dit, qu'il avoit fait éclore par sa vertu vivifiante, ce grand Univers: Car il s'est servi dans l'Original d'un terme qui signifie proprement l'action d'un oiseau qui couve, qui étend ses aîles sur ses oeufs, pour faire éclore ses petits poussins, par la chaleur qu'il leur communique. Le Prosete David nous confirme cette verité, dans le 33 de ses Sacrés Cantiques, en disant, Que l'Eternel a fait les Cieux par sa parole, & que toute leur armée a été faite par le Saint Esprit, qu'il appelle le soufle de sa bouche, parce qu'il procede de luy par voye de soufle, si l'on s'en raporte au Sentiment de tous les Theologiens Scolastiques. [Page 14] Les Autheurs Sacrez du Nouveau Testament, rendent aussi témoignage à cette verité; Car le même Saint Paul qui declare aux Ephesiens, au troisiéme chapître de l'Ep. qu'il leur écrit, que Dieu le Pere a creé toutes choses, dit aussi aux Collossiens, au premier de celle qu'il leur adresse, Que Christ a creé les choses visibles & invisibles, les Trônes, les Dominations, les Principautez & les Puissances, Et nous voyons qu'il appelle le Saint Esprit au 3 Chapître de l'Epître qu'il écrit aux Phillipiens, la vertu par laquelle Dieu s'assujetit toutes choses, c'est à dire toutes celles qu'il a jamais faites, soit dans la Creation, soit dans la Redemption, qu'il ne manquera pas de déployer lors qu'il ressuscitera nos corps, & les rendra conformesPhilipp 3. 20. au corps glorieux de Christ. Ce Mystere des Personnes Divines qui ont concouru toutes trois dans l'oeuvre de la Creation du Monde, n'étoit pas inconnu au Roy Salomon; car nous voyons qu'il dit par raport à ce grand secret de pieté, au 12 chapitre de son livre de l'Ecclesiaste, Souviens toy de tes Createurs aux jours de ta jeunesse; Le terme Hebreu que nous avons rendu par celuy de Createur, se trouvant employé dans [...]e passage auEccl. 12. 1. pluriel.
La seconde raison qui doit empêcher que l'on s'etonne que les Chrêtiens reçoivent [Page 15] cette importante verité, & la gardent dans leurs coeurs comme un sacré dépôt qui leur a été confié, est qu'ils remarquent dans l'Ecriture Sainte, que le nom de Dieu est constamment donné à chacune des Personnes Divines: le Pere qui nous est representé comme le principe, l'origine & la source de la Divinité, est par tout nommé Dieu dans les sacrés receüils de l'Ancien & du Nouveau Testament. Pour ce qui est du Fils, le Prophete David prevoyant par la lumiere de l'Esprit de Dieu qui l'inspiroit, ce fils éternel manifesté en chair, & oint des dons & des graces de la troisiéme Personne de la Glorieuse & adorable Trinité,Ps. 45. 8. se tourne vers lui dans le quarante cinquiéme de ces Sacrés Cantiques, & lui adresse ce discours, O Dieu, ton Dieu t'a oint d'huile de liesse par dessus tous tes consorts. Quel est, je vous prie, celui qu'il honore le premier de ce glorieux nom, sinon ce Fils dont nous parlons, que le Pere eternel, qu'il appelle son Dieu, par raport à la nature humaine, qu'il devoit unir à sa Divinité, en l'acomplissement des Siécles, avoit oint de toutes les graces de son Saint Esprit, pour exercer ses trois Charges, de Sacrificateur, de Prophete, & de Roy. Et comment est-ce que nous en pourions douter? Voyant que le Saint homme de Dieu s'étoit constamment proposé de lui adresser sa voix dés le versetPs. 45. 7. Heb. 1. 8. 9. [Page 16] precedent, où il lui avoit dit, O Dieu tou trône est à perpetuité. Le Sceptre de ton Regne est un Sceptre d'equité.
Saint Paul est exprés sur ce sujet, au premier chapître de son Epître aux Hebreux, raportant ces paroles du Profete à nôtre Seigneur Jesus; le Profete Isaïs prevoyant encore ce fils éternel revêtu de la nature humaine & manifesté en chair, dans le lieu où il devoit naître, s'ecrie dans le transport de son ame, qui étoit ravie en admiration, au 9. chap. du livre de sa revelation, L'Enfant Esay. 9. 4. 5. St. Jean 1. 1. nous est né, [...]e fils nous a été donné; on apellera son nom le Dieu fort & le Pere d'eternité. Saint Jean parlant de lui au commencement de son Evangile, dit, la parole étoit Dieu. Saint Paul dit aux Romains, que Christ est Dieu benit Rom. 9. 15. eternellement sur toutes choses. Et SaintJere. 5. 20. Jean dans son Epître Catholique, Christ est le vray Dieu & la vie eternelle. Pour ce qui est du Saint Esprit, Saint Pierre, apres avoir reproché à Ananias que Satan avoit remplison coeur, pour le faire mentir au Saint Esprit, lui declare dans la suite, qu'il n'avoit point menti aux hommes, mais à Dieu. Ce qui doit necessairement se rapporter au Saint Esprit, dont il venoit de parler. Et nous voyons que Saint Paul apres avoirAct. 5. 3. 4. dit aux Corinthiens dans la premiere Epitre qu'il leur avoit écrite, que leurs corps étoient temple du Saint Esprit, leur declare expressément dans la seconde qu'il leur [Page 17] adresse que leur corps etoient le temple 1 Ep. aux Cor. 6. 19. 2 Cor. 6. 16. de Dieu; ce qui doit manifestement être entendu de la Personne du Consolateur. Il y a cependant des contredisans qui se crevent les yeux, pour ne pas voircette verité, que Moïse s'est proposé d'etablir des le commencement de son premier Livre; ces aveugles volontaires veulent que cet Historien Sacré disant, les Dieux crea au commencement les Cieux & la Terre, se soit servi d'une maniere de parler abregée qui sousentend une partie des termes que l'on a de coûtume d'employer, pour faire une énonciation parfaite, par une figure que les Grammairiens appellent Ellypse, & qu'il a ainsi sousentendu devant le nom pluriel Elohim, qui signifie les Dieux, le singulier du même nom Eloha, de sorte qu'il s'est proposé de s'enoncer de la sorte, le Dieu des Dieux a creé les Cieux, & la terre. Mais qu'elle apparence y-a-t-il je vous prie, que Moïse eût voulu se rendre obscur, & meme inintelligible des le commencement de son Histoire Sacrée, en mettant en usage une figure, qui n'etoit point familiere au peuple de Dieu, dont on se sert pour abreger le discours, en ometant une partie des termes qui sont necessaires pour rendre la chose dont on parle, claire & intelligible; Ce Saint homme écrivant son Histoire pour l'usage d'une nation qui [Page 18] ne pouvoit entendre les choses à demi mot.
Les Rabins qui sont bien mieux versés en l'intelligence de la Langue Sainte, que ces gens là, n'ont point eu recours à cette figure de Grammaire, en expliquant ces paroles de Moïse. L'un d'entr'eux appellé Benioschaï, parfaitement éclairé, dit positivement que Moïse a donné à Dieu un nom pluriel, qu'il joint avec un Verbe qui est au nombre singulier, voulant révéler, en s'exprimant ainsi, le mystere des Personnes Divines qui subsistent distinctement dans une seule essence; & il s'ecrie à cette occasion, venés, & voyés plusieurs, qui subsistent, & qui ne sont cependant qu'un seul, agissans tous dans la creation du monde, d'une telle maniere, que ce n'est pourtant qu'un seul Dieu qui produit ce grand ouvrage. On [...] peut dire la méme chose à l'égard de la Creation particuliere de l'homme; car quoi qu'il ait été formé de la poudre de la terre par celui qui est le seul Dieu, qui a fait le monde. Il n'est cependant rien de plus constant que Moïse ne nous permet pas de douter, que les Personnes Divines ont concouru toutes trois dans la production de cette Creature intelligente, introduisant Dieu parlant ainsi au 26 verset du premier Chapitre de la Genese, faisons l'homme à nôtre image, Gen. 1 26. [Page 19] & à nôtre ressemblance; car l'on void manifestement dans ces paroles, que les Personnes Divines qui n'ont rien fait, que de concert dans la Creation de l'Univers, ont agi encore d'un consentement unanime, & méme cooperé toutes trois dans la Creation de l'homme.
Les obstinés qui combatent cette verité qui est revélée des le commencement de la Bible, alleguent encore, à dessein de la combatre, qu'il est assés ordinaire aux Hebreux de joindre un nom pluriel avec un singulier, en sousentendant le singulier du même nom qui est au pluriel, & que l'on en void plusieurs exemples dans les Livres de l'Ancien Testament. Mais bien que l'on ne puisse pas disconvenir qu'il ne faille quelquefois sousentendre, sur tout devant les genitifs pluriels, le même nom au singulier,Il faut quelque fois sousentendre devant [...] le nombre singulier [...] Simeon Muys professeur en la Langue Hebraiqu [...] dans l'Université de Paris. ce qui tient lieu d'un superlatif parmi les Hebreux, comme devant le nom pluriel, qui signifie des sagesses, le même nom au singulier, ce qui emporte autant que qui diroit, la sagesse des sagesses, pour marquer la plus grande de toutes les sagesses. On doit cependant remarquer avec l'un des plus Sçavans hommes de ce Siecle, qu'il est constant que les Prophetes n'ont jamais joint un Verbe du nombre singulier, avec un nom pluriel, que lors que ce nom qui se rencontre au nombre pluriel, a dû étre [Page 20] entendu en un sens distributif. C'est ce que le Rabin Abenezra justifie par un exemple qui se void dans le livre de la Geneze au Chap. quarente neuviéme, au verset 22. où se trouvent ces paroles, Banoth-Tsaadha qui emportent autant que [...] filiae gressa est, id est unaqua (que) filiarum in cedit, [...] super murum metaphoricè, rami ejus ses branches ont couru sur la muraille qui diroit, les filles marchera, ou sera chargée, & qui doivent étre necessairement rendües par celles-ci, chacune des filles marchera, ou sera chargée; suivant cette sage remarque il faut étre extrémement aveugle, pour ne pas voir que Moyse s'étant ainsi exprimé en la Langue Sainte, les Dieux à Créé les Cieux, & la Terre s'est constamment proposé de marquer par ces paroles, que chacune des Personnes Divines à contribué à la Création de l'Univers.
CHAPITRE II. De la Création du Monde & de son Autheur qui est Dieu.
Section 1.
IL n'est rien de plus familier aux Hebreux que de comprendre un tout, sous une ou deux de ses principales parties par une figure que l'on appelle Synecdoche. Moyse s'est ainsi proposé de comprendre tout le monde, sous les Cieux, & la Terre, qui sont sans contredit [Page 21] les deux plus considerables parties de l'Univers; Dieu les a créés selon lui, avec toutes les choses qu'ils embrassent dans leur vaste étendüe, sçavoir avec les Cieux; les Anges, la Lumiere, les Astres, toutes leurs differentes Constellations, & les oiseaux de l'air; & avec la Terre, la Mer, les Rivieres, les poissons, les reptiles, tous les animaux, les hommes, les plantes, & les arbres.
On ne peut pas douter que ce n'ait été le dessein de cet Historien Sacré, de faire d'abord un plan general de la Création de tout le monde au commencement de son livre; & c'est aussi une verité constante, que le Ciel, ce Globe rond qui est un corps simple, & incorruptible doit érre consideré comme la circonference du monde, & que la Terre, cét Element froid, qui est le domicile des hommes, & des animaux, à cause de sa pesanteur, doit étre envisagée comme son centre: C'est pour cette raison que l'Autheur du livre du monde qui est dedié à Alexandre le Grand, ne definit point autrement l'Univers, qu'en disant, que c'est un assemblage du Ciel, & de la Terre, & de toutes les choses qu'ils contiennent.
Mais pourquoy est ce que Moyse parle des Cieux que Dieu à créés, & non simplement du Ciel au singulier. Les Autheurs Sacrés de l'Ancien Testament qui ont écrit leurs livres en Hebreu, ne disent jamais le Ciel, [Page 22] mais toûjours les Cieux, lors qu'ils veulent nous mettre devant les yeux la plus excellente partie du monde. Ils y ont été portés par deux raisons, dont la premiere est, que le terme de la Langue Sainte, dont ils se servent pour l'exprimer, est composé de deux mots, dont le premier est une petite particule qui veut dire là, & le second signifie [...] des eaux, desorte qu'il emporte dans sa signification au tant que qui diroit, là il y-a des eaux; par ce que Dieu sépara les eaux superieures, d'avec les inferieures, par le moyen de l'étendüe, ou du Firmament qu'il fit, pour recevoir & contenirles premieres. Sur quoi l'on doit remarquer en passant, que le sage Créatéur du monde voulut que les eaux fussent suspendües dans les Cieux, & qu'ils en portassent le nom, asin que toutes les fois que son Peuple éléveroit les yeux vers le Ciel, il se souvint qu'il renfermoit dans sa vaste étendüe, les eaux, qu'il y avoit arrêtées, & qu'il avoit fait tomber une fois sur la Terre pour exterminer les méchans, lors que la mesure de leurs pechés étoit parvenüe à son comble.
La seconde raison est, que l'Ecriture Sainte nous fait mention de trois Cieux, sçavoir du Ciel de l'air, qui prend depuis la Terre, & s'étend jusques à la moyenne region, du Firmament qui est parsemé de brillantes étoiles, & du troisiéme Ciel qu'elle appelle [Page 23] les Cieux des Cieux par excellence, & qu'elle nous represente comme le Domicile de Dieu, & des Anges, & des Saints bien heureux. Les Philosophes l'ont nommé le Ciel empyrée.
Section deuxiéme
Tous ces cieux sont l'ouvrage de Dieu, aussi bien que la terre. Moise est expres sur ce sujet, Dieu Crea, dit-il, au commencement les Cieux & la Terre. Sur quoi l'on doit remarquer, que le terme de Créer, signifie proprement produire une chose de rien; Mais qu'il se prend aussi dans une signification moins précise, pour dire produire une chose d'une autre quin'a aucune disposition à recevoir la forme qui lui est donnée. Aprés avoir fait cette remarque, il faut encore observer deux choses, dont la premiere est, que Dieu Créa, à prendre ce mot dans la signification la plus propre, la premiere matiere qu'il produisit de rien, & qu'il tira du neant, en un instant; de sorte qu'elle est bien éloignée d'étre éternelle, comme Hermogene sel'est ridiculement imaginé, ayant tiré son principe, & son origine de Dieu par cette Creation. La seconde est, que ce même Dieu infiniment puissant, Créa, à prendre ce terme dans sa signification moins precise, les Cieux, & la Terre, tout l'Univers, en le faisant de la premiere matiere qu'il avoit Créée. Et il est à propos d'ajoûter à cette derniere observation, [Page 24] que quoi que Dieu n'ait pas eu besoin de tirer le monde du néant, & de le former de rien, Il étoit cependant nécessaire, pour lui pouvoir donner la belle forme, qu'il vouloit qu'il eut, & qu'il a encore à present, depuis cinq mille tant d'années qu'il est fait, qu'il deployât une vertu infinie, en le produisant de cette premiere matiere qu'il avoit Créée, car elle étoit si éloignée d'avoi [...] des perfections infinies, comme quelques Heretiques l'ont osé soutenir, que c'étoit constamment une chose tres imparfaite sçavoir une Terre sans forme, & vuide, abîmée dans les eaux, & couverte de tenebres.
Dieu est censé avoir Créé pour cette raison, tout l'Univers quia autant de beauté, & de charmes, par l'arrangement de ses parties superieures, & inferieures qui sont admirablement bien agencées, & ajustées les unes dans les autres, que la matiere dont il a été tiré, pouvoit avoir de difformité, & de laideur. Au reste il ébaucha cét admirable ouvrage, les trois premiers jours de la Création, & l'amena les trois derniers à cét état de perfection, auquel nous le voyons aujourd 'hui. Moyse nous dit, Quil Créa au premier jour la lumiere, pour lever la premiere envelope du cahos, qu'il fit au second Gen. 1. 3. Gen. 1. 6, 7. Gen. 1. 9, 10, 11. l'étendüe du Ciel, & de l'air pour soulager la Terre d'une partie des eaux dont elle [Page 25] étoit couverte, les faisant évaporer dans les nuées, & qu'il desseicha au troisiéme la Terre, faisant écouler le reste des eaux dans la mer, & dans les rivieres, & lui fit produire des plantes.
On peut dire que ce Sage Créateur avoit bien dêja commencé jusques là à mettre l'ordre dans le monde, en distinguant ses parties, par la séparation de la lumiere & des tenebres, des eaux d'enhaut, & de celles d'embas, de la mer, & de la Terre. L'Historien Sacré ajoute, que Dieu acheva Gen. 1. 16, 17, 20, 21, 23, 24, 25, 26. au quatrieme ce qu'il avoit commencé au premier jour, en Creant le Soleil, & la Lune, & les etoiles, qu'il remplit au cinquieme les eaux, de poissons, & l'air d'eiseaux, & qu'il créa enfin au sixiéme, les animaux, & apres eux, l'homme.
Ce fut là la derniere Créature que sa main toute puissante forma, parce que l'homme étoit la fin pour laquelle il avoit produit toutes les autres, sur lesquelles il vouloit qu'il eut une espece de seigneurie, en qualité d'intendant, qu'il avoit dessein de loger dans le monde, qui étoit le palais qu'il lui avoit preparé. Il jugea à propos de couronner le grand ouvrage des Cieux, & de la Terre, par la Creation du chef d'oeuvre de sa sagesse infinie, qui est aussi merveilleux que le peut étre l'Univers. On ne peut pas nier qu'il n'en soit l'abregé en son corps, [Page 26] formé de la poudre de la Terre, qui a quatre humeurs, qui repondent aux quatre Elemens, lesquelles sont temperées d'une si admirable maniere, qu'il subsiste par l'union qui est entr'elles; & on ne peut non plus revoquer en doute qu'il ne foit l'abrégé du monde invisible, en son ame qui est une substance spirituelle & celeste, autant élevée au dessus de son corps, que le Ciel est élevé au dessus de la Terre. C'est à l'égard de cette ame que Moïse nous dit, que Dieu souflla dans ses narines respiration de vie; Gen. 2. 7. car il a dessein d'insinüer deux choses par là; la premiere est la liaison du corps, & de l'ame, en prenant le terme de souffle dans sa propre signification, pour la respiration de son corps où l'ame ne demeure qu'autant de tems qu'il respire, ou si vous voulés, que sa chaleur naturelle n'est point eteinte. La seconde, est la nature de son ame qui est spirituelle, & immaterielle, comme l'Essence de Dieu. Jesus Christ nôtre Seigneur prenant le terme de souffle, ou celui d'Esprit, qui sont équivalens en ce sens, au Chapitre quatriéme de St. Jean, Oùil dit Dieu est Esprit, car l'ame St. Jean 4. [...] 24. Eccles. 12. [...] id est spiritus vel flatus Esprit ou souffle. Ge. 1. 27. de l'homme est aussi appellée l'Esprit au Livrede l'Ecclesiaste, par ceque le souffle de la respiration est dans l'homme, la condition, & le signe de la presence de l'ame: C'est ce que Moyse confirme en disant dans le Chapitre precedent, Que Dieu le forma à [Page 27] son image, & à sa ressemblance; car il s'ensuit deGen. 27. là qu'il lui donne une ame qui etoit egalement immaterielle, immortelle, ornée de la sagesse, de la justice, & de la Sainté; le bon usage de la raison que l'homme reçut en partage comme le plus beau rayon de l'image de Dieu, consistant dans la pratique de ces vertus: à quoi se rapporte ce que Salomon dit dans son livre de l'Ecclesiaste, que Dieu a fait l'homme droit. Eccl. 7. 29.
Dieu n'avoit pas besoin d'employer six jours entiers à produire toutes ces belles, & grandes choses que nous venons de parcourir, que les Cieux, & la Terre embrassent dans leur vaste etendüe, car comme il avoit fait de rien en un instant la premiere matiere, au seul Commandement de sa parole, on ne doit pas douter quelles n'eussent paru tout d'un coup, avec cette beauté, & cette Simmetrie que nous y voyons à present, s'il eut voulu dire que toutes ces Creatures là existent en un instant, & qu'elles paroissent toutes à la fois; comme la lumiere fût créée belle, & ravissante, des qu'il eut dit que l [...] lumiere soit, & ainsi les eaux ne manquérent pas d'etre separées d'avec les eaux, immediatementGen. 1. 3. apres qu'il eut dit, qu'il y ait une étendue qui les separe; l'étendüe aïant été produite tout Gen. 1. 6. 7. aussi tôt. Mais il voulut créer le monde en six jours, & se reposer au septiéme, quoi qu'il n'ût pas besoin de repos, etant infatigable, pour nous donner un modele de nôtre travail, & du repos qui lui devoit succeder, & pour nous apprendre à proceder par degrés, avec quelqu'ordre & methode dans la production de nos ouvrages, afin d'en venir heureusement à bout. La precipitation etant capable de nous empêcher de les faire arriver au plus haut periode de leur perfection.
Il semble aussi que ce sage créateur ait vouluLes Juiss sont tous dans ce sentiment, que c'est une Prediction du Profete Elie, qui est venue jusques à eux par Tradition, & qui passera d'eux à leurs enfans jusques à la fin du monde. nous presager, parees six jours qu'il a employes a creer le monde, & que l'on peut envisaget comme des jours prophetiques, les six mille am qu'il doit durer, qui seront suivis d'un eternel repos a l'égard de ses enfans; ce que l'on a vrai semblablement lieu d'inferer de ce que Moyse dit dans son Sacré Cantique, & Saint Pierre dans sa seconde epitre, que mille anssont devant Dieu comme un jour, & un jour comme mille ans; il ne devroit y avoir, selon certe supputation Iâ, que deux mille ans entiers de grace, y ayant eu deux mille ans sans loy, & deux mille ans de loy, a etendre la dispensation legale jusques au temps auquel toutes les ceremonies ont cessé.
Section troisiéme.
C'est une verité si constante que la Création des Ciéux, & de la Terre est l'ouvrage de Dieu, & que c'est à lui seul que l'on en doit donner toute la gloire, que l'on ne peut la revoquer en doute sans rejeter toute l'Ecriture Sainte. On peut dire que tous les Autheurs Sacrés du vieux, & du nouveau Testament ont pris à tâche de lapuier de leurs temoignages: ainsi voyons nous qu il est dit dans le livre de la patience de Job, que c'est Dieu qui a fondé la Terre, qui a posé ses mesures, Job 38 4. 5. 6. 7. 8. qui a appliqué le niveau sur elle, qui a fiché ses pilotis, qui a assis la pierre angulaire, la pierre du coin pour la soutenir; que c'est lui qui a agencé les etoiles dans le firmament, qui a tiré la mer de la matrice, qui la renfermée dans de certaines limites, qui lui a donné de certaines barrieres, qui sui a dit, tu viendras jusqu'icy, & tu ne passeras point outre, & icy s'arretera l'élevation de tes ondes.
Le Prophete David est aussi expres surce sujet dans le 8 de ses Sacrés Cantiques, où se tournantPs. 8. 4 5. 6. 7. 8. [Page 29] ver [...] Dieu, il s'ecrie dans le transport de son ame, qui etoit ravie en admiration, quand je regarde tes Cieux l'ouvrage de tes doigts, la lune, & les etoiles, que tu as agencées, je dis, qu'est ce que de l'homme mortel que tu ayes souvenance de lui, & du fils de l'homme que tu le visites; car tu l'as constitué Dominateur sur l'ouvrage de tes mains: Et nous voyons qu'il lui donne toute la gloire de la creation du monde dans le 33, où ilPs. 13. 6. 7. 9. dit, Les Cieux ont été faits par la parole de Dieu, & toute leur armée par le souffle de sa bouche; il a assemblé les eaux de la mer, comme en un monceau, il a mis les abimes, comme dans des celiers, il à dit, & ce qu'il a dit à eu son être, il a commandé, & la chose a comparu. Et dans le cent deuxiéme en y disant à Dieu. Tu as autrefois fondé la Terre, les Cieux sont l'onvrage de tes mains. Et dans le 104 où nous voyons qu'il declare, que Dieu a planché les Cieux, comme ses hautes chambres entre Ps. 104. 2. 3. 5. les eaux, qu'il les a étendues comme une courtine & qu'il a fondé la Terre sur ses bases, tellement q'uelle ne sera point ébranlée, Et enfin dans le 146 oùPs. 146. 6. il dit, que Dieu a fait les Cieux, & la Terre & la mer, & tout ce qui peut étre en eux.
Le Prophete Esaye introduit Dieu lui même, s'attribuant toute la gloire des oeuvres de la création, dans le 44 de ses Revelations, où il leEzaye 42 fait parler en ces termes Ainsi [...] dit le Dieu fort, L'Eternel qui a creé les Cieux, & les a étendus, qui a applani la Terre avec tout ce qu'elle produit. Saint Luc raporte au quatrieme Chapitre de son second livre intitulé les Actes des Apôtres, que les Disciples du Seigneur éleverent tous d'un accordAct. 4. 24. leur voix à Dieu & lui dirent, Signeur tu es le Dieu qui as fait le Ciel, la Terre, et lamer, & toutes les choses que l'on y void; & il nous dit au [Page 30] de ce même Livre, que Paul & Barnabas, voulantAct. 14. 15 detourner les Lycaoniens du dessein qu'ils avoient de leur offrir des Sacrifiees, parce qu'ils croyoient que l'un d'eux étoit leur Jupiter, & que l'autre étoit leur Mercure, leur dirent. Nous sommes aussi Sujets aux mêmes affections que vous, convertissés vous de ces choses vaines au Dieu vivant qui a fait le Ciel, la Terre, la Mer, & tontes les choses quisont en eux. On void dans tous ces passages que les Autheurs Sacrés y caracterisent le vrai Dieu, & le distinguent des faux Dieux des Nations, par ce glorieux titre de Createur, qu'ils lui donnent, parce qu'il est infiniment élevé au dessus d'eux par la vertu infinie, qu'il à deployée, pour faire, que toutes les choses qui se voyent dans le monde eussent leur être par sa parole toute puissante.
Section quatrieme.
Il y a trois consequences que l'on doit neceslairement tirer de cette verité, que Dieu a Crée les Cieux & la Terre qui est parfaitement bien etablie dans l'Ecriture sainte, dont la premiere est, que le monde n'existe pas de tout Eternité, comme les Philosophes Peripateticiens se le sont ridiculement imaginé. La seconde, que le monde nes'est pas fait de soi même, & la troisiéme que ses parties ne se sont pas assemblées par hazard, par le concours fortuit des atomes, qui sont des corpuscules imperceptibles, comme Epicure l'a crû.
Je dis que la premiere consequence que l'on doit tirer du principe qui est établi par tous les Autheurs Sacrés est, que le monde n'est pas de toute Eternité: En effet toute personne de bon sens peut aisement juger que ce qui a été Créé, ou fait, a eu un commencement, n'ayant commencé à exister dans la nature des choses, que [Page 31] lors qu'il a été produit par la cause qui lui a donné l'être; parce qu'il n'etoit pas auparavant.
J'ajoute que la seconde consequence de cette verité constante que Dieu a Créé les Cieux, & la Terre, est que le monde ne s'est pas fait de lui même. En effet outre que la raison nous dicte à tous, qu'une chose ne peut étre faite par elle même, parce qu'il faudroit présuposer qu'elle seroit avant que d▪étre, & qu'elle seroit également à son égard la cause, & l'effet en même tems; ce qui implique contradiction, la cause devant necessairement exister avant que de produire son effet. Toute personne douée de raison & d'intelligence, ne peut s'empêcher d'inférer de ce principe indubitable, Dieu a Creé les Cieux & la Terre, que le monde ne s'est pas fait de soimême, aiant Dieu pour son Autheur, à qui il est redevable de son ètre, aussi bien que de sa conservation.
Je dis enfin que la troisiéme consequence que l'on doit tirer de ce que Dieu est constamment le Createur des Cieux, & de la Terre, est que les parties du monde ne se sont pas assemblées par hasard, par une cause fortuite, & aveugle. En effet Dieu qui est Souverainement sage, & même, le seul sage, pour parler avec St. Paul; parce qu il n'y a que lui qui posséde une sagesse1 Tim. 1, 17. infiniment parfaite, fait toutes choses en poids, en nombre, & en mesure; il n'a garde d'étre une cause aveugle, & de faire quelque chose à l'aventure, ne manquant jamais d'arriver au but qu'il se propose, & d'amener tous les ouvrages qu'il entreprend, au plus haut periode de leur perfection; C'est ce que le grand Roy David reconnoissoit parfaitement bien; car il s' [...]orie dans le cent quatriéme des ses Sacrés Cantiques, [Page 32] en se tournant vers la Divine Majesté, à qui il adresse sa voix, O Eternel que tes oeuvres sont Ps. 104. 24 en grand nombre, tu les as toutes sagement faites, la Terre est plaine de tes richesses, & dans le 111. grandes sont les oeuvres de l'Eternel & recherchées de tous ceux qui les considerent avec plaisir; Et dans le 145. Eternel toutes tes oeuvres te celebrerent, Ps. 111. 2. & dans le 147. au commencement, il n'est pas possible d'exprimer combien Dieu est entendu. Salomon nous dit conformément auxPs. 145. 10 Ps. 147. 5. declarations de David son pere, que l'Eternel à fondé la Terre par sapience & qu'il a agencé les Prov. 3. 19, 20. Cieux par intelligence, & que les abimes se debordent par sa science; Et nous voyons qu'apres que le Prophete Jeremie à declaré au dixieme de ses Revelations, que les Dieux qui n'ont point fait les Cieux & la Terre periront arriere de la Terre, & de dessous les Cieux; ajoute ensuite,Jerem. 10, 11, 12. celui qui a sait la Terre par sa vertu, & qui a agence le monde habitable par sa sagesse, & qui a etendu les Cieux par son intelligence, est l'Eternel le Dieu de Verité, & le Roy Eternel.
Section 5.
Mais quand même l'Ecriture Sainte ne seroit pas formelle & expresse autant qu'elle l'est à l'égard decette verité, que Dieu a creé les Cieux, & la Terre. Il semble que la seule raison bien saine nous la devroit persuader. Car y-a-t-il aucun homme de bon son sens qui ait jamais consideré avec une forte application de son Esprit ces beaux, & admirables ouvrages de la Creation, sans y remarquer les caracteres de la Souveraine sagesse, & de la puissance infinie d'un etre, dont l'Essence, & le pouvoir n'ont point de bornes?Mi [...]utius Fleix dans son Octavius.
Nous apprenons d'un celebre Autheur, qu'un Payen qui n'étoit éclairé que des lumieres de [Page 33] la raison, ne laissoit pas d'envisager toutes les merveilles que l'on voit dans la nature, comme la veritable Image de la Divinité, que Dieu lui même y avoit gravée & qu'il étoit impossible d'arracher sans détruire & renverser absolument cette grande machine du monde. Cet Autheur va plus avant, il dit, qu'il comparoit la beauté & l'etendüe des Cieux, le brillant éclat de la lumiere du Soleil, les richesses de la Terre, la profondeur des mers, la hauteur des montagnes, le Christal des ruisseaux, l'email des parterres, & des prairies, à cette image de Minerve que Phydias, le plus excellent sculpteur qui fut jamais, avoit gravée avec tant d'art, dans un bouclier que sa Statüe tenoit dans sa main, qu'il etoit impossible de l'en arracher sans la renverser. Il est aisé de juger de là, que cet homme qui n'étoit eclairé que des lumieres de la raison, avoit naturellement la même pensée que S. Paul avoit dans l'Epitre qu'il écrit aux Romains à qui il dit, Que les choses invisibles de Dieu, sçavoir sa puissance Eternelle, & sa Divinité se voyent comme à loeil par la Création du monde, étans considerées Rom. 1. 10. en ses ouvrages.
Je ne pense pas ainsi outrer les choses, en disant, que tous ceux qui s'imaginent que le monde a été fait par hazard, & qu'il n'est conservé que par une cause aveugle, ont l'imagination blessée, ou sont des personnes stupides & aveugles, qui ne connoissent point Dieu par sapience, en contemplant le monde, ou il a fait eclatter sa sagesse, comme sur un espece de théatre. J'ajoute à cela que l'on doit les renvoyer à l'ecole des Creature inanimées, & insensibles, pour1 Cor. 1. 21. apprendre à raisonner plus juste & plus pertinemment [Page 34] qu'ils ne font. En effet le Prophete David declare expressement dans le 19 de ses Sacrés Cantiques, Que les Cieux racontent la gloire du Ps. 19. 12, 3, 4, 5. Dieu fort, que l'etendue donne à connoitre l'ouvrage de ses mains; qu'unjour degorge propos à l'autre jour, & une nuit montre Science à l'autre nuit, qu'il n'y a point en eux de langage, & que leur voix ne laissepas de se faire entendre, bien que ce soient des choses muettes. Hé! je vous prie, comment se peut il faire que des Creatures, qui n'ont point d'ame, glorifient cependant leur Createur, chacune en sa maniere, en tendant toutes à la fin, pour saquelle il les a destinées, fans s'en écarter le moins du monde; & qu'il y ait en même temps des hommes qui ne reconnoissent pas (bien qu ils ayent eu vrai semblablement la raison en partage) que Dieu qui est tres bon, Souverainement sage, & infiniment puissant, est l'Autheur de cet Univers, qui est composé de parties, qui sont sagement compassées, & agencées les unes dans les autres, malgré leurs qualités contraires? Halc'est sans contredit la chose du monde la plus surprenāte. Car si le plus stupide d'entr'eux ne peut s'empecher d'admirer les mouvemens d'une montre, ses roues, & ses ressorts, n'aiant pas de peine à se persuader qu'il a falu un ouvrier tres industrieux, & tres habile, pour faire ce petit chef d'oeuvre qui le ravit en admiration; peut il bien consirer avec quelqu'application d'Esprit le branle, & le mouvement des Cieux, leur etendue, & la rapidiré de leur cours, sans y voir resplendir la sagesse infinie de Dieu, le plus excellent ouvrier qui fut jamais? Peut-il considerer le fiux, & le reflux de l'Ocean, la Terre si bien disposée encotaux, & en valons, en montagnes, & en plaines, arrosée d'une infinité de beaux fleuves, qui vont [Page 35] se regorger dans la Mer, apres avoir serpenté dans les c [...]mpagnes, sans declarer hautement qu'il n'y a que Dieu qui ait pû produire tant de merveilles? Si le plus simple, & le moind [...]e éclaité d'entr'eux, ne peut s'empêcher de dire, lors qu'il voit plusieurs centaines de fleches voler, & donner toutes dans un blanc, sans qu'aucunes d'elles s'en écartent; que ces fleches n'y ont pas été portées par hazard, mais qu'elles y ont été tirées par des personnes habi [...]es & judicieuses, qui visoient constamment à ce but, suivant cette maxime du bon sens & de la raison, que tout ce qui est porté droit à un certain but, est dirigé par une cause qui n'est pas aveugle; peut il bien voir que toutes les parties du monde, & que toutes les creatures, qu'il renferme dans toutes son étendüe, visent constamment à un certain but, & y arrivent immancablement, sins reconnoître la main de Dieu, le plus sage de tous les ouvriers, qui a fait les Cieux & la Terre? Si le plus simple & le moins éclairé d'entr'eux no peut voir des caracteres d'imprimerie arrangés & disposés dans un si bel ordre, qu'ils signifient une infinité de belles choses, étans imprimés sur le papier, sans s'écrier qu'il a necessairement falu qu'un habile imprimeur ait composé, en r'assemblant ces caracteres, qui étoient separês selon les lettres de l'alphabet, pour les mettres ensuite sous la presse, apres les avoir norcies d'ancre, en y passant l'éponge, & avoir étendu le papier dessus, s'il ne s'avise jamais de dire que ces caracteres étoient dans le giron d'un homme qui les a jettés dans l'air, & qu'il est arrivé par hazard, qu'ils se sont assemblés & disposés dans l'ordre où ils se trouvent; peut il bien voir toutes les creatures de l'Univers arrangées & disposées dans un si bel ordre que l'on peut dire que ce sont autant de caracteres qui entrent en la composition du grand Livre de la Nature, sans s'écrier que cela n'a pu se faire par hazard, & qu'il a necessairement falu que le grand Dieu ait luy même composé & fait le plus beau, & le plus excellent de tous les Livres, où l'on voit par tout ecrit, qu'il est le createur des Cieux & de Terre?
Enfin, si celuy d'entr'eux qui a le moins de capacité & de penetration d'esprit, ne peut s'empêcher de dire lors qu'il entre dans un Palais, où toutes les reigles de l'Architecture sont parfaitement bien observées, où le Marbre, le Porphyre, le Jaspe, l'Albastre, l'Or & l'Asur sont prodigués, & où il y a plusreurs beaux appartemens, dont les chambres sont magnifiquement tendües, que c'est un Architecte tres-expiertqui a conduit [Page 36] ce superbe Palais, qui est bâty avec toutes les reigles d [...] l'Art, & que ce sont des personnes tres-judicieuses, & tres-intelligentes qui l'ont embelli de tous ses magnifiques ameublemens, & qui ont sagement ordonné à l'egard de toutes les choses belles & rares que l'on y voit; si cet homme simple qui est tres-peu éclairé, est cependant bien éloigné d'atribuer la cause d'une Maison si belle & si charmante, au boulversement d'une Montagne, ou au r'enversement d'un Rocher dont les parties se soient assemblées & ajustées les unes dans les autres par un cas fortuit, au moyen dequoy elle a été construite; peut-il bien voir ce grand & magnifique Palais du monde où Dieu a étendu les Cieux comme une Courtine, où il a fondé la Terte sur ses Bases, quoy qu'elle soit suspendue dans les Airs, sans se representer que ce ne peut être une cause aveugle qui a conduit ce superbe Edifice, & qu'il faut necessairement que ce soit Dieu souverainement sage, infiniment puissant, & parfaitement bon, qui en soit l'Architecte? Qui ne sçait que la raison nous dicte à tous, que l'ordre est l'effet de la sagesse & du jugement, au lieu que le desordre est l'effet d'un esprit demonté & troublé, aussi bien que du hazard?
Section VI.
Mais encore, quel à pû être le motif qui a porté Dieu à Creer les Cieux & la Terre? Je diray premierement, pour repondre à cette question, que c'est le propre du bien de se communiquer & de se repandre, à peu pres de la même maniere qu'une vive & feconde source semble répandre ses eaux avec plaisir, regorgeant de tous côtez; & que Dieu qui est le Souverain bien, la source inepui [...] sable de tout bien, utile, honnète, & agreable, a voulu pour cette raison, communiquer sa souveraine bonté, à une infinité de creatures, selon la dispensation de sa sagesse, qui est diverse; se contentant de donner aux unes l'être, & voulant accorder aux autres le bien être.
J'observerai en second lieu, que Dieu qui ne pouvoit connoître ses perfections infinies, sans s'aimer souverainement, & sans raporter à soy même, comme à celuy qui est l'Alpha, & l'Omeg [...]a, le principe & la fin, ses pensées & ses desirs, a voulu faire éclater sa gloire, en manifestant ses merveilleux attributs. Le Roy Salomon ne nous permet pas d'en douter, declarant expressement au Livre de ses Proverbes, au [...] Dieu à fait toutes choses pour soy même, Proverbe 16. 4. sans en excepter le méchant, pour le jour de la calamité; voulant declarer par là, qu'il le doit proposer comme un [...] exemple de ses plus redoutables jugemens, pour manifester sa [Page 37] justice à son égard. Saint Paul dit aussi positivement dans l'Epître qu'il écrit aux Romains, & dans celle qu'il adresse aux Hebreux, que Dieu est celuy pour qui, & par qui sont Rom. 11. 36. Heb. 2. 10. toutes choses. Je laisse à juger à tout homme de bon sens, s'il n'est pas bien juste que toutes les choses du monde qui n'existent que parce que Dieu leur a donné l'être en qualité de Createur qui en est la cause efficiente, se raportent à la gloire de ce grand Dieu, comme à celuy qui en doit être la fin.
Je n'ignore pas cependant qu'il y a des Theologiens qui nient que Dieu ait creé le monde & toutes les choses qu'il embrasse dans sa vaste étendue, pour sa gloire; & qui soûtiennent que ce seroit faire Dieu ambitieux, de luy attribuer une telle pensée. Mais ils se trompent, & leur raisonnement est faux, mesurans Dieu à l'homme. Il est bien vray que c'est une injustice à l'homme de faire tout ce qu'il fait pour sa gloire, parce que l'homme ne doit pas être la derniere fin de ses actions; lors qu'il s'arroge cet honneur, chacun peut aisement juger qu'il se met en la place de Dieu son Createur, luy ravissant sa gloire dont il est si jaloux, qu'il proteste par son Profete Isaïe, qu'il ne la veut pas donner à un autre. Mais comme Dieu est le Souverain Monarque du monde, leIsaïe 42. 8. Maître absolu des hommes & des Anges, & de toutes les creatures qu'il a tirées du neant, sa gloire doit aussi sans contredit être pour cette raison là le plus grand de tous les biens, & par consequent celuy qu'il doit avoir pris pour fin de tous les autres; si bien que l'on doit tenir pour constant que ce seroit un defaut à Dieu de ne pas chercher sa gloire, comme c'est une injustice à l'homme de cher la gloire de sa personne. En effet, Dieu ne peut renoncer à sa gloire, parce qu'il ne le pouroit faire sans se renier soy même, car sa gloire interieure n'est autre chose que sa nature & ses perfections infinies, qu'il ne peut se dispenser d'aimer & d'estimer autant que son Essence; & sa gloire exterieure n'est rien que l'éclat que la premiere repand au dehors, par la connoissance qu'il nous en donne, & par l'honneur que nous luy rendons. Et pour quelle autre fin je vous prie, Dieu auroit-il pû creer les Cieux & la Terre, si ce n'avoit été pour manifester sa gloire, en faisant voir comme à l'oeil, par la Creation du Monde, sa Divinité, sa Souveraineté, sa Sagesse, sa Puissance infinie, sa Bonté qui est sans bornes, & pour faire court, toutes ses Vertus adorables qui ne different point de son Essence?
Il paroit d'icy que Dieu doit être confideré comme [...] Etre souverainement bon, & infiniment grand. Je disp [...] mierement comme l'être des êtres, qui a une bonté sans bo [...] nes▪ & j'ajoùte ensuite, comme le grand Dieu dont la Majesté est infiniment grande, parce qu'il est tres-bon, eu égard à la premiere sin qu'il s'est proposée dans le monde, qui a été de communiquer sa bonté aux creatures. C'est pour cette raison que les Payens concevoient leur Jupiter le plus grand de tous leurs dieux, sous l'idée de tresbon,Optimus maximus. avant que de se le presenter sous celle de tres-grand.
La seconde consequence que l'on doit tirer de ces deux motifs qui ont porté Dieu à Creer le Monde, est cellecy, c'est que toutes les creatures que Dieu a tirées du neant, sont toutes dans sa dependance, & qu'elles sont routes indispensablement obligées de subir ses Loix, de sui [...]re ses ordres, & de se soûmettre à sa volonté, & qu'aucune de celles à qui il a donné en partage l'intelligence & la raison, ne peut se soustraire de son obe [...]ssance, sans se rendre coupable du crime de leze Majesté Divine, par sa felonnie & sa rebellion, parce qu'elles sont engagées par toute sorte de raisons, à l'envisager comme leur Souverain Seigneur & Maître. En effet, si un Statuaire & un Potier son [...]maîtres absolus de leurs Statues & de leurs vaisseaux, quoy qu'ils leurs ayent simplement donné la figure & la forme qu'ils ont, & qu'ils ne soient pas les autheurs de la matiere dont ils sont composez. Dieu en plus forts termes, doit être Souverain [...] Seigneur de toutes les choses qui existent dans le monde, & sur tout le Souverain arbitre de la destinée de ses creatures, qui ne tinnent pas seulement de sa main liberale, la vie, Act. 17. 28. le sentiment & le mouvement, mais aussi le bien être, & qui sont sa race, pour parler avec le Poete Ara [...]us, que Saint Paul cite aux Atheniens dans leur Areopage. On ne peut nier qu'il ne s'est pas contenté de leur donner à toutesJob 10. 10. & 11. Ps. 139. 14, 15, 16. la forme & la figure qu'elles ont, mais qu'il a aussi fait les Os, les Nerfs, les Cartilages, les Tendons, les Veines, les Arteres, & toutes les autres parties interieures & exterieures dont leurs corps sont composez.
La troisiéme cōsequence que l'on doit tirer de ce que nous avons posé, est que les creatures intelligentes doivent raporter à sa gloire, tout ce qu'elles ont de facultez & de puissances, les pensées de leurs esprits, les mouvemens de leurs coeurs, & les parties de leur corps; car comme elles ne sont pas maitresses d'elles-mêmes, elles doivent necessairement glorifier Dieu en leurs corps & en leurs esprits, [Page 39] qui appartiennent à Dieu par le droit de la creation. C'est pour cette raison que le Profete Royal ne se contente pas de foudroyer dans le 12 de ses Sacrés Cantiques, ces hommes depravés & corrompus, qui disent, Nous auro [...]s le dessus par nos langues, nos levres sont en nôtre puissance; qui Ps. 12. 5. est Seigneur sur none. Mais exhorte de plus au Pseaume 100 tous les habitants de la terre à celebrer les vertus de Dieu, à benir son grand & venerable nom, & à le servir avec allegresse, en considerant, qu'ils ne se sont pa [...] faitseux-mêmes, Ps. 100. mais que c'est luy qui les a faits; & va jusques à ex [...]ter1, 2, 3. son ame en particulier, dans le 103, A▪benir l'Eternel & tout ce qui est au dedans de luy, à benir le nom de sa Ps. 148. 149. & 150 tous entiers. Sainteté; & à exhorter dans les trois derniers, toutes les creatures de Dieu, dont il fait un detail, à loüer chacune en particulier son Createur, en luy rapportant la gloire de sa Creation, comme à celuy qui en est l'Autheur.
CHAPITRE III. Du commencement auquel Dieu a Créé les Cieux & la Terre.
Section I.
QUelques-uns entendent par ce commencement dont parle Moïse, lors qu'il dit, Dieu Crea au commencement les Cieux & la Terre, le premier jour; mais leur sentiment est erroné; Car cet Historien Sacré ayant compris sous les Cieux & la Terre, toutes les Creatures de l'Univers, il s'ensuivroit selon eux que Dieu auroit creé au premier jour tout le monde, ce qui est bien éloigné d'être veritable, selon que chacun sçait que ce Saint Autheur reporte dans le premier Chapitre de la Genese, que Dieu Crea seulement la lumiere au premier jour, & qu'il declare expressement au 20 Chapitre du Livre de l'Exode, que Dieu employa six jours à Creer le Ciel & la Terre. Ils allegueroient inutillement, pour rendre leur opinion plus plausible, que Dieu a creé au premier jour tout le monde confusément, voulant qu'il fût d'abord un Cahos, & que dans les six jours employez à une plus parfaite Creation, il a demêlé le Cahos, & a donné à chaque partie sa forme & sa beauté: Car il s'ensuivroit de là, que Dieu auroit mis sept jours à Creér le Monde, & qu'il ne se feroit reposér que le huitiéme, ce qui n'est pas vray; [Page 40] joint que Moïse s'ètant contenté de dire, que la Terre étoit sans forme, & vide, après avoir fait un Plan general de la Creation du Monde, a bien eu dessein de representer par cette Terre, qui ètoit couverte d'uno abîme d'eaux, & qui ètoit affrèuse, la premiere matiere que Dieu a creée en un instant, pour en former les parties du monde, ne s'est pas proposé de [...]ous faire une si vilaine peinture de tout l'Univers.
Il y en a aussi qui entendent par le commencement, dont Moïse parle, le commencement du temps: Mais leur sentiment n'est pas plus soûtenable que celuy dont nous venons de parler, parce que le temps ètant la durée des choses naturelles & muables que Dieu a creées; le commencement du tems, est necessairement le commencement de la durée des choses creées: d'où il est èvident qu'il faudroit presuposer selon eux, que Moïse se seroit proposé de dire une chose absurde, sçavoir que Dieu a creé les Cieux & la Terre au commencement de la durée du monde; car le bon sens dicte, que la durée des choses creées, supose leur existence, ètant necessaire qu'une chose existe, avant que nous puissions concevoir qu'elle commence à durer, & que tous ceux qui veulent renverser cèt ordre naturel, sont extravagans. Que faut-il done entendre par ce commencement [...] auquel Dieu crea les Cieux & la Terre? C'est sans contredit le commencement de la manifestation des vertus infinies de Dieu, par ses oeuvres exterieures & visibles; & si l'on veut ce moment, & ce premier instant auquel il entreprit de creer le monde, en tirant du neant la premiere matiere dont il l'a formé. Salomon ne nous permet pas d'en douter: Car nous voyons qu'il ne donne point d'autre signification que celle là à ce terme de commencement qu'il employe au 8 chapitre de ses Proverbes, dans le même sens que Moïse s'en est servy: il introduit en cèt endroit la Sapience Eternelle, qui tient ce discours, l'Eternel m'a possedée des le commencement de savoye, Prov. 8. 22, 23, 24, 25. & 27. avant ses auvres j'ay été ordonnée princesse des le commencement de sa voye, j'ay èté engendrée avant que les Montagnes fussent assises, & avant les Côtaux, quond il agence [...]it les Cieux j'y étois. Il n'est rien de plus clair & de plus manifeste que ce commencement de la voye de Dieu qui a precedé les oeuvres de la creation, auquel l'Eternel possedoit dêja Jesus Christ son Fils, la Sapience eternelle & incrée [...] est le même commencement dont il s'agit dans les paroles de Moïse, sçavoir un commencement qui ne [Page 41] se raporte, ni au jour, ni au tems, ni aux creatures, mais à la premiere manifestation que Dieu a faite de sa puissance infinie par la Creation de la premiere matiere.
Je ne puis passer sous silence que Saint Jean à pris incontestablement ce terme de commencement, au premier chapitre de son Evangile, dans ce même sens que Moïse & Salomon, luy donnent, ou voulant prouver des le premier verset, l'Existance eternelle, & la Divinité de Jesus Christ, qu'il appelle la parole, d'un nom qui luy ètoit donné dans l'Ancien Testament, dit d'abord, Au commencement ètoit la Parole, & la Parole ètoit avec Dieu, & cette Parole ètoit Dieu. Car ayant consideré avec application d'esprit, que Moïse ne pouvoit prouver plus invinciblement l'eternité de Dieu, qu'en disant qu'il avoit creé les Cieux & la Terre au commencement de la manifestation de sa puissance infinie, par la Creation de la premiere matiere, parce qu'il falloit de toute necessité qu'il Existât de toute éternité, subsistant par luy même avant le tems, devant qu'il eût mis la main à la construction de l'Univers; & il estime qu'il ne pouvoit aussi prouver d'une maniere plus forte, & plus invincible apres Salomon que le Seigneur Jesus son Fils, la parole ou le verbe incarné, étoit de toute eternité, qu'en disant qu'il étoit des le commencement de la premiere manifestation de Dieu par ses oeuvres exterieures, lors qu'il tira d [...] la premiere matiere du neant; ce qui renverse absolument le sentiment des Arriens, qui soutenoient qu'il étoit la premiere creature de Dieu, aussi bien que ce lui des Sociniens, qui ont l'audace & l'insolence dé soutenir qu'il n'a commencé à exister que du moment qu'il a été conc [...] dans le ventre de la Bien-heureuse Vierge Marie sa mere. Sur quoi il faut remarquer en passant que c'est tres à propos que ce Divin Evangeliste nous a eté representéApoc. 4. 17. [...]ans le Livre de l'Apocalypse, sous l'emblême d'un Aig [...]e▪ apres avoir pris un vol plus haut que les autres Historiens Sacrés ses Collegues, en s'elevant des le commencement de son Evangile, jusques à la consideration de la Divinité eternelle du fils de Dieu, qui étoit avant les premieres oeuvres de Dieu, avant qu'il eut commencé à se manifester par ses oeuvres exterieures & visibles, & qui a même donné l'étre à toutes choses selon l'expresse declaration qu'il en fait en disant, sans cette parole rien de Jean 1. 3. ce qui a été fait n'auroit pas été fait.
Section II.
Il n'en est pas des Cieux, & de la Terre & des autres Creatuers qu'ils renfermēt dans leur vaste étendüe, qu'Aristote [Page 42] & ses Sectateurs ont estimé étre des choses eternelles, comme il en est de Dieu, & de Jesus Christ son fils; car il s'ensuit de ce que le Createur les a faits au commencement de sa voye, ou de son operation exterieure, ils ne sont pas de toute eternité; chacun peut aisément juger que l'on a grand sujet de trouver étrange que ceux qui ont-passé pour de grands genies, ayent crû que le monde étoit eternel; la droite raison nous persuadant à tous cette même verité que l'Ecriture Sainte nous enseigne, qu'il a tiré son principe & son origine, de l'être des êtres, par succession de tems.
En effect, elle nous dit qu'il faudroit necessair [...]ment, si le monde n'avoit point eu de commencement, que le tems qui n'est autre chose que sa durée, qui a des parties qui se succedent les unes aux autres, qui a flux & reflux, & qui est dans un continuel mouvement, eût été eternel, & qu'il s'ensuivroit de cette Hypothese, que l'infini auroit pû passer & s'evanouir; le tems passé n'étant plus, apres qu'il est expiré, selon laquelle il devroit cependant être impossible que le tems s'ecoulât entierement, parce qu'une chose qui est eternelle, & par consequent infinie, n'ayant ni commencement, ni fin ne peut cesser d'étre, de même qu'il ne se pouroit faire, selon la même Hypothese, que ses parties se succedass [...]nt les unes auxAeternitas est tota simul vitae interminabilis possessia autres, par la difference qu'il y a entre le passé, le present, & l'avenir, parce que le tems à venir n'est pas encore, comme ce lui qui est passé n'est plus. L'éternité étant, selon la definition que le Philosophe Boece, en a donnée la possession entiere, d'un être qui n'a point de bornes, dont l'on jouït tout à la fois, & non par succession de parties.
La raison nous dicte encore, qu'un nombre infini auroit du étre beaucoup plus petit, qu'un autre infini, si le monde n'avoit point eu de commencement, parce que le nombre des années est incomparablement plu [...] petit que celui des jours, des semaines, & des mois, & que cela implique contradiction, n'etant pas possible d'ajouter à l'infini, & de concevoir que plusieurs infinis subsistent tout à la fois sans se detruire.
Elle nous apprend qu'il auroit necessairement fallu, si le monde avoit été de tout éternité, qu'il y eût eu des hommes de tout éternité, & que leur vie eût été infinie, & par consequent immortelle, & que l'evenement à cependant fait voir dans tous les Siecles qu'ils sont morts, & l'experience verifie qu'ils meurent incessamment, [Page 43] d'où elle tire cette consequence, puisque ceux qui vivoient, il y a deux ou trois cents ans, sans remonter plus haut, sont morts; il faut necessairement presuposer qu'ils avoient pris leur origine dans le monde, & qu'ils y avoient eu un commencement de jours, comme ils y ont eu une fin de leur vie; or il est indubitable que ce qui a commencé à exister dans la nature des choses, & a pris fin, n'est pas eternel. Elle ajoute à cela, que la nouveauté des Histoires, des Arts, & des Sciences, est une preuve convaincante, qu'il n'y a pas eu des hommes de toute éternité sur la Terre, & que le monde n'est pas eternel.
Enfin, la raison dicte à tous ceux qui sont bien sensés, que le nombre des hommes seroit actuellement infini, si le monde avoit été de toute eternité, parce que s'il s'étoit écoulé un infinité d'années, il faudroit necessairement presuposer qu'il seroit absolument impossible que la quantité des habitans de l'Univers fùt plus grande qu'elle le seroit, & que la Terre qui est beaucoup plus perite que le Ciel, fût plus peuplée qu'elle le pouroit étre à present; l'evenement ayant fait voir dans tous les Siecles, que le nombre des hommes s'augmente tous les ans de plusieurs millions, par la generation, à quoi elle ajoute, que nous ne laissons pas cependant de voir tous les jours, qu'il naît dans le monde un nombre innomorable d'enfans.
Il n'en faut pas dire davantage pour faire voir que la raison n'a pas de peine à nous persuader cette verité que l'Ecriture Sainte nous enseigne, que Dieu Crea au commencement les Cieux & la Terre.
Section troisieme,
Les Manichéens qui rejetoient les Ecrits de Moyse, faisoient tout leur possible pour le tourner en ridicule au sujet de cette declaration, qu'il fait des le commencement de son premiere livre; ils demandoient malicieusement, quel étoit ce commencement au quel Dieu avoit créé les Cieux, & la Terre; Sçavoir si c'etoit celui de son existence, ou celui auquel il s'étoit ennuyé pour la premiere fois d'être seul, pretendans embarasser extremement ceux à qui ils faisoient cette question captieuse. Si l'on nous repond, disoient-ils, que Dieu a créé le monde au commencement de son existence, nous leur dirons, qu'il s'ensuit de là, qu'il n'etoit pas pendant un certain tems, & que s'il a eu un commencement, il peut aussi [Page 44] avoir une fin, d'où il est evident qu'il n'est pas eternel: & si l'on nous repond, que Dieu Créa les Cieux & la Terre, lors qu'il commencea à s'ennuyer d'être seul, nous leur dirons, si Dieu ne faisoit rien avant que de cre [...]r le monde, il s'ensuit de là qu'il étoit oisif; ce qui ne s'accorde pas avec l'Hypothese de Moyse, qui fait concevoir Dieu, comme un pur acte, le representant comme un Esprit qui est infiniment puissant & actif, par la declaration qu'il fait, que c'est lui qui a créé les Cieux & la Terre; d'où l'on doit necessairement inferer, qu'il n'est jamais dans l'oisiveté; & si l'on nous repond, qu'il ne laissoit pas d'agir, & de faire quelque chose, avant que de mettre la main à l'oeuvre de la Creation, nous dirons, qu'il n'est donc pas vray que Dieu créa au commencement les Cieux, & la Terre, selon Moyse.
Il n'y a malheureusement que trop de profanes & d'impies qui tiennent aujourd'hui le même langage que tenoient autrefois les Manichéens; cest pour quoi il importe de fermer la bouche à ces mocqueurs qui font des railleries des choses Saintes, & qui sont si audacieux, & si insolens, que d'oser combatre, & de vouloir même renverser la premiere des verités que Dieu nous a revelée en sa parole. On doit répondre en premier [...] lien à la question captieuse qu'ils font, que Dieu, de qui tontes les choses qui existent, tirent leur principe, & leur origine, n'a point de commencement, & que ce même Dieu, vers qui toutes les Creatures intelligentes tendent, l'envisageans comme leur derniere fin qui les doit perfectionner, subsistera toûjours par lui même, de Siecle, en Siecle, & d'eternité, en éternité.
Il faut leur dire en second lieu, que c'est une chose absurde de donner un même principe à un ouvrier, & à son ouvrage, & que c'est cependant ce que font ceux qui avancent ridicullement & temerairement, que Dieu a creé les Cieux & la Terre au commencement de son Exist [...]nce.
On ne doit pas manquer de leur repondre en troisieme lieu, que Dieu à qui toutes choses sont presentes, celles qui n'existent pas encore & celles qui sont, n'ètoit point seul avant que de creer le monde; il est necessaire d'ajouter à cette reponse, que celuy qui est la vi [...] feconde & inepuisable source de vie, de clarté, de bonheur, de joye & de consolation, ètoit bien èloigné de s'ennuïer avant la Creation du Monde, & d'être reduit à la necessité de chercher de la consolation dans les creatures [Page 45] qu'il a tirées du neant, en les considerant avec plaisir, & en conversant avec les plus excellentes, telles qué font les Anges & les hommes.
En effet, deux raisons nous le doivent faire croire, la premiere est, que Dieu renferme dans sa Divine Essence, toutes les perfections qui se peuvent concevoir, & toutes celles qui sont infiniment grandes, de sorte qu'il n'avoit [...]a se contempler soy même, pour être porté à s'aimer infiniment, & pour trouver dans cette contemplation, & dans cette amour, son parfait bonheur.
La seconde est, que ce grand Dieu n'ètoit pas seul, avant qu'il Creât le monde, pouvant s'entretenir avec son Fils Unique qu'il a engendré de toute eternité dè sa propre substance, & méme prendre son plaisir en luy; En effet Salomon introduit ce fils èternel, qu'il represente sous le nom de la Sapience èternelle, disant au 8 Chapitre du Livre de ses Proverbes, qu'il étoit par devérs l'Eternel Prov. 8. 24. 30. son nourisson qu'il avoit engendré lors qu'il n'y avoit point encore d'abîmes, ni de fontaines chargées d'eaux, & que Dieu prenoit continuellement son plaisir en luy.
S'il arrive que ces impies insistent à demander qu'elle ponvoit être l'occupation de Dieu avant qu'il mît la main à l'oeuvre de la Creation; on peut rèpondre avec un Ancien Docteur de l'Eglise, qu'il s'employoit à bâtir des Enfers pour les curieux, & les méchans qui prenent plaisir à se moquer de S. August. sa Majesté divine [...]. Mais on doit ajoûter à cette reponse, que si les voyes de Dieu sont impenetrables; & s'il est absolument impossible de les trouver, même dans les choses qu'il a creées au commencement, & dans celles qu'il fait encore aujourd'huy par les soins de sa Divine Providence; c'est sans contredit la plus haute folie d'un esprit demonté, de vouloir rechercher les oeuvres èternelles, spirituelles & invisibles de ce grand Dieu, qui sont infiniment élevées au dessus de nôtre conception, & de celle même des bien-heureuses intelligences du Ciel. Il doit suffire à un chacun de croire que Dieu n'ètoit point oisif, bien qu'il ne s'occupât pas à faire aucune oeuvre exterieure & visible avant qu'il Creât les Cieux & la Terre.
Enfin pour ce qui regarde la question impertinente que les Profanes & les Moqueurs de ce Siecle font ordinairement, en demandant où ètoit Dieu avant que de Creer le Monde▪ On leur doit dire pour toute reponse, que c'est une [Page 46] chose étonnante de voir que de miserables creatures, qui n'existent dans la nature des choses, que parce qu'elles ont l'être, la vié, le sentiment, & le mouvement par Dieu, & qui ne sont renfermées dans un certain espace, que parce qu'elles sont-composées d'une matiere étendüe, osent demander où Dieu étoit avant que de mettre la main à l'oeuvre de la Creation du Monde, comme si ce grand Dieu, qui est un esprit infini, avoit besoin d'être renfermé dans un certain espace, & d'ocuper un lieu, [...] qu'il faut être stupide & aveugle, pour ne pas considerer qu'il n'est pas dans un lieu comme les corps y sont, êtant absolument degagé de la matiere; ni comme les Anges qui se trouvent tellement dans un certain endroit, qu'ils ne peuvent pas être dans un autre en mêmeDieu n'est pas dans un lieu circonscrisptivement comme les hommes, ni definitivement comme les Anges, mais repletivement comme un esprit infiny, pour se servir des termes de l'Ecole. temps, mais qu'il est par tout par sa presence infinie, ètant immense, suivant la declaration qu'il fait par son Profete Jeremie, Je. 23. 24. qu'il remplit les Cieux & la Terre. D'où il est évident qu'il n'est pas porté par le monde, mais qu'il porte le monde, qu'il soùtient toutes choses par sa parole puissante; & que loin de pouvoir être embrassé & compris dans l'étendüe du Ciel & de la Terre, il tient le Ciel & la Terre dans la paume de sa main. Si l'on ètoit bien persuadé de la verité de toutes ces choses, qui sont incontestables, on n'auroit pas de peine à croire que l'être des étres, dont l'Essence infinie s'étend insiniment au de là des choses creées, qui sont bornées, existe sans être renfermé dans un lieu, & ne laissoit pas d'être avant qu'il eût creé le Monde, quoy qu'il n'y eut point de lieu visible, & de vastes espaces, tels qu'il y en a à present dans les Cieux, dans les Airs, & sur la Terre.
CHAPITRE IV. Des motifs que la consideration des Cieux & de la Terre qui Dieu Crea au commencement, presente aux Chrêtiens, pour les porter à s'acquiter des grands dovoirs de la Relegion.
Section I.
C'Est une verité constante, que Dieu a également signalé sa souveraine bonté, & sa puissance infinie, en Creant l'Univers; la premiere, à l égard d'une infinité de choses à qui il a donne l'ètre, qui sont autant de [Page 47] rejallissement & d'écoulemens de cette vertu; & la seconde, à l'égard de la force insurmontable qu'il a déployée, en les tirant du neant, selon que chacun peut aisement juger, qu'il y a une distance infinie du non être, à l'être.
Il est facile de tirer de ce principe indubitable, cette consequence evidente & necessaire, c'est qu'il ne se peut faire autrement, que la consideration de ces deux imcomparables vertus, ne porte ceux qui sont invinciblement persuadez dans leur coeur, que les Siecles ont été ordonnez per la parole de Dieu, à regarder ce sage createurHeb. 11. 3. du monde, comme l'objet de leur foy & de leur esperance, & à croire fermement qu'il est également capable de les defendre contre les attaques de leurs ennemis temporels & spirituels, en les couvrant de sa protection, comme d'un bouclier, & de les rendre insiniment heureux; de sorte qu'ils ne peuvent considerer avec application d'esprit, les Cieux & la Terre, où la souveraine bonté & l'infinie puissance de ce Dieu tres-bon & tres-grand, brillent & éclattent de toutes parts, sans être engagés à mettre toute leur confiance en luy, qui appelle les choses qui ne sont point, comme si elles étoient, & qui n'a qu'à dire, que telle & telle chose soit, afin qu'elle existe.
Les Chrêtiens fideles sont ainsi indispensablement obligés de s'examiner & de s'eprouver souvent eux-mêmes, pour sçvoir s'ils croyent, & s'ils esperent veritablement en ce Createur tout puissant, qui a creé toutes les choses que nous voyons dans ce grand Univers, & les soûtient par sa parole puistante, & s'ils sont disposés à s'apuyer fur sa souveraine bonté, & sur sa puissance infinie, lors même que leurs affaires sembleroient être les plus deseperées du côté du monde, lors qu'il ne verroient personne qui leur pùt prêter le secours dont ils auroient besoin, pour être delivrés des dangers éminens ausquels ils seroient exposés. Chacun sçait que c'est sur tout alors, qu'ils doivent tenir ce langage de la foy & de l'esperance, Nòtre aide soit au nom de Dieu, qui a fait les Cieux & la Terre; quoy que ce soit Dieu, est nôtre Rocher & nôtre Ps. 124 8. Ps. 62. 1. 2. Ps. 73. 26, 27, 28. Rom. 8. 30 31. 33, 34. Liberateur, & il est le Rocher de nôtre coeur, & nôtre partage eternellement; d'approcher de luy c'est nôtre bien; nous n'avons d'autre protecteur que luy au Ciel & en la Terre; & nous sommes assurez que s'il est pour nous, nous n'avons rien à traindre de la part de ceux qui nous sont contraires, parce que [Page 48] son bras n'est point racourcy, & qu'il est infiniment plus puiss [...]nt que ne le sont nos ennemis, qui ont jure nôtre ruine & nôtre perte.
En effet, outre qu'il est infiniment plus avantageux, & plus sûr, de chercher un azile en sa souveraine bonté & en son infinie puissance, qu'il ne l'est de s'apuyer sur les hommes les mieux intentionés, qui sont la vanité même, retirant de leurs narines leur souffle, lors qu'il luy plaît. Toute la felicité de l'homme consiste à placer son souverain bien, en l'étroite union que l'on ne manque pas d'avoir par la foy, & par l'amour avec Dieu infiniment bon, qui ne s'est jamais laissé sans témoignage de sa bonté à nôtre égard, depuis qu'il nous a donné l'être, & le bien être; Si bien que les Chrêtiens fidelles doivent se donner bien de garde d'attacher leur coeur aux creatures du monde qui n'ont qu'une bonté qui est derivée de celle de cet être des ètres, dont il ne leur a communiqué que quelque degrés: ce que l'Ecriture Sainte appelle, quitter la source d'eau vive, pour se creuser des citernes crevassées Jer. 2. 13. qui ne contiennent point d'eau.
Sect. II.
Mais Dieu n'a pas simplement manifesté sa souveraine bonté & son infinie puissance, en Creant les Cieux & la Terre; il s'est aussi sans contredit fait connoître tel qu'il est, avec toutes ses perfections, par la Creation du Monde. Il a fait clairement voir dans la nature, comme dans un espece de grand livre, ou comme dans une belie glace de miroir, sa Divinité, sa Majesté, son infinie sagesse, & ses autres attributs que l'on appelle relatifs dans les Ecoles, tels que sont ceux de Createur, de Conservateur, de Juge & de Legislateur. Si l'on dèmande pourquoy c'est que Dieu s'est revelé aux hommes de cette maniere, dans ses beaux & admirables ouvrages de la Creation: Il est aise de rèpondre à une telle question, en disant que ça été pour les engager, premierement, à le contempler dans toutes ses oeuvres, & à se faire, en le voyant par tout dans cet Univers, une grande, & noble idée de sa Divine essence, & de ses perfections infinies, & pour les porter ensuite à le glorifier à proportion de la connoissance qu'ils acquereroient par le moyen de cette revelation de sa Majesté glorieuse, en luy rendant le service, l'honneur, l'obeïssance, la loüange, & l'action de graces qui luy sontduës.
Il s'ensuit de là, qu'il faut de toute necessité, que les [Page 49] hommes qui sont également éclairés des lumieres de la n [...]ture & de la grace, soient portés par la consideration des merveilles de la Creation, à s'abatre jusques dans le neant, en la presence de Dieu le Createur du Ciel & de la Terre, & à luy rendre les hommages de leurs adorations religieuses, à l'exemple des Seraphins, en s'écriantEzaye 6. 4. avec eux, toute la terre est remplie de ta gloire, ô Seigneur, & avec les vingt-quatre Anciens dont il est parlé au 4 chapitre de l'Apocalypse, Seigneur tu es digne de Apoc. 4. 11. recevoir gloire, honneur & puissance, car tu as creé toutes choses, & à ta volenté elles ont èté creèes.
Quel est donc le devoir de tous les Chrêtiens? Le voicy, c'est qu'ils sont indispensablement obligés de s'examiner eux-mêmes avec tout le soin imaginable. Premierement pour sçavoir s'ils voyent Dieu comme des personnes éclairées dans la fabrique du monde, qui est le Theatre de sa souveraine sagesse & de sa puissance infinie. En second lieu, pour découvrir s'il fe sentent disposés à exalter l'infinie grandeur de sa Majesté, & son pouvoir supreme, & à celebrer par leurs loüanges, toutes ses vertus adorables. Et en troisiéme lieu, pour connoître s'ils sont portés à luy rendre leur obeïssance, comme à leur Souverain Seigneur & Maître, à luy adresser leurs prieres, comme à leur premier principe, à luy rendre leurs actions de graces, comme à celuy qui est l'unique source de tout le bien qu'ils ont, ensin à luy rapporter leurs pensées, leurs paroles, & leurs actions, comme à celuy qui est leur derniere fin.
Section troisieme.
En effet, pour bien répondre à la fin que Dieu s'est proposée en Créant les Cieux & la Terre, ils doivent lui consacrer leurs Personnes entieres, leurs ames, & leurs corps, les pensées de leurs esprits, les affections de leurs coeurs, & les paroles de leurs bouches, comme à leur Dieu, à qui ils appartiennent par le droit de la Creation, & par celui de la redemption. Ce n'est pas assés pour des Chrêtiens, de le connoître par sagesse, en considerant avec application les merveilles de la Creation, & de ne pas detenir la verité en injustice; je veux dire, la revelation de ce grand Dieu dans la nature, à l'exemple des Anciens Romains Idolatres; ils ne peuvent se dispenser de le glorifier à proportion de la connoissance qu'ils ont de sa Majesté infinie, & de ses vertus adorables, par le secours des lumieres de la nature, & de celles de la grace, [Page 50] parce que s'ils ne s'acquitoient de ce devoir indispensable ils seroient beaucoup plus inexcusables, que ne l'étoient [...]esRom. 1. 20. [...]. miserables qui vivoient sous la dispensation de la nature, & qui ne pouvoient cependant excuser leurs crimes, en se couvrant de quelque pretexte Specieux.
Il est bien vray qu'ils se doivent proposer d'abord d'élever leurs esprits par l'étude des oeuvres de la Creation, & de la Providence, à la consideration des perfections infinies de Dieu, & de tout ce qui est invisible en luy meme, qui a pris un corps, par maniere de dire, pour se rendre visible. J'avoüe que leur premier but doit être de considerer celuy qui a fait l'armée des Cieux, en contemplant le Firmament parsemé de brillantes étoilles, qui éclaire la nuit par le beau feu qu'elles jettent, ces Orbes Celestes qui roulent avec une merveilleuse rapidité sur nos têtes, de l'Orient, à l'Occident, & de l'Occident, à l'Orient; & le Soleil qui est semblable à un époux qui sort de son cabinet nuptial, & qui s'egaye comme un vaillant homme, pour faire le tour du monde en 24 heures. Je voudrois même qu'ils se representassent bien pour s'acquiter le plus souvent qu'il leur seroit possible de ce devoir, qu'ils ne doivent pas manquer de prendre occasion de la contemplation de ces oeuvres merveilleuses de Dieu, de celebrer les merveilles de sa souveraine sagesse, de son insinie bonté, & de sa puissance qui est sans bornes, & de s'entretenir de son éternité bien heureuse, en disant avec le Patriarche Job, Que c'est luy seul qui a étendu les Cieux, & qui a fait des choses si grandes, qu'il n'est Job 9. 8. 10. Ps. 8. 1. 10. Ps. 90. 1. Ps. 102. 27, 28. Ps. 92. 5. 6. pas possible [...] de les sonder, si merveilleuses & en si grand nombre, que l'on ne peut, ni les concevoir, ni les nombrer. Et avec le Profete David, O Eternel nôtre Seigneur, que ton nom est magnifique par toute la terre; tu as mis ta Majesté par dessus les Cieux. Tu es [...] le Dieu fort, avant que les montagnès fussent nées, avant que tu eusses formé la Terre, même á'éternité jusques en éternité. Les Cieux qui sont l'ouvrage de tes mains changeront, mais toy tu es toûjours le même, tes ans [...] finiront jamais. O éternel tu m'as ravy par tes oeuvres, & je triomphe des oeuvres de tes mains. O éternel que tes oeuvres sont magnifiques. Mais ils ne doivent pas s'arrêter là, ils ne sont pas censés avoir glorifié Dieu à proportion de la connoissance qu'il leur a donnée de sa Divinité, & de son éternité, & de sa puissance infinie, par les Cieux & la Terre qu'il a creées, à moins qu'il ne prennent encore [Page 51] occasion des oeuvres merveilleuses de ce Createur tout puissant, de s'humilier sous sa main puissante, de [...]'aneantir en sa presence, de le craindre, de l'honorer, de se jetter entre ses bras, de se reposer uniquement sur sa Divine Providence, & de ne chercher d'autre protection que celle de son bras tout puissant.
Je dis premierement, qu'aprés être arrivés à la connoissance de ce Grand Dieu, par la consideration des Cieux & de la Terre, ils doivent bien reconnoître leur bessesse, la vanité de leur être, & leur neant, pour être portés à s'aneantir devant sa Divine Majesté, en considerant qu'ils sont moins que rien, par raport à l'infinie grandeur de cét Etre des Etres, & que leurs ames sont indispensablement obligées de lui rendre l'hommage de leurs adorations, étans confondües, & pour ainsi dire englouties à la veües du brillant éclat de sa gloire, à mesure que leurs corps sont abatus & prosternés devant le marchepied de ses pieds. Le Profete Royal David avoit ces sentimens d'humilité & d'aneantissements, apres avoir bien consideré les oeuvres de Dieu; car il n'a pas plûtôt dit dans le [...] de ses Sacrés Cantiques, où il se tourne vers sa Divine Majesté, & luy adresse sa voix, Quand je regarde tes Ps. 8. 4. 5. Cieux, l'ouvrage de tes doigts, la Lùne & les Etoiles que tu as agencées, qu'il ajoûte, je dis, qu'est-ce que de l'homme mortel que tu ayes souvenance de luy, & du fils de l'homme que tu le visites? Et nous voyons qu'aprés avoir parlé de sa puissance infinie, dans le 144, il s'écrie encor, O Eternel qu'est-ce que de l'homme que tu ayessoin de luy, du fils de l'homme mortel Ps. 144. 3, 4. que tu en tiennescoute? L'homme est semblable à la Vanité, ses jours sont comme l'ombre qui passe. Et aprés avoir dit ailleurs, que la Majesté & la magnificence marchent devant luy. Ps. 96. 5, 6. 9. Il ajoûte ensuite, vous habi tans de la terre, prosternés & tremblez, tout étonnés de la presence de sa face, car il a fait les Gieux, & a affermy la Terre habitable, sant qu'elle soit ébranlée. Je dis ensuite qu'ils doivent prendre occasion de la consideration des oeuvres de Dieu, de le respecter, de l'honorer, & de le craindre, comme celuy qui est revêtu de lumiere, & de Majesté, à peu pres comme d'un vêtement, qui a toutes les creatures à sa devotion, sans en excepter les Anges puissans qu'ils a créés, & qui volent à l'execution de ses ordres, & de penser qu'ils ne pouroient se revolter contre luy, sans avoir le Ciel & la Terre pour ennemis. En effet, qui ne craindroit [Page 52] celuy qui peut s'assujetir toutes choses par sa puissant [...] infinie [...], celuy qui fait trembler dans les Enfers les Demons par un seul de ses regards, celuy qui peut faire r [...] tourner dans le neant ses creatures rebelles, avec autant de facilité qu'il les en a tirées, celuy qui ne tüe pas seulem [...] ment le corps de l'homme qu'il a formé, mais precipite de pl [...] Luc 12. 4. 5. Esaye 40. 22. son corps & son ame dans la ghēne du feu éternel; Celuy enfin, qui porte le moude dans sa main, & qui pese les Mont agues an Crochet, & les Côtaux à la Balance.
J'ay dit [...] qu'ils doivent étre portés par la consideration des oeuvres merveilleuses de Dieu le Createur du monde à se reposer entierement sur les soins de sa Divine Providence, & à ne rien craindre de la part de leur [...] ennemis; en effet celui qui a Crée les Cieux, & la Terre est infiniment plus puissant que tous les hommes qui pouroient avoir juré leur ruine & leur perte, & que tous les Demons mêmé de l'enfer, qu'il tient enchainét, de maniere qu'ils ne peuvent avoir l'effort qu'autant qu'il veut allonger leur chaine, les tenant captifs; J'ay ajouté qu'ils doivent étre enfin disposés à ne point s'apuyer sur le bras de la chair, qui est un roseau cassé qui perce la main à ceux qui s'y fient, mais à mettre en toutes sortes de rencontres leur unique confi [...]nce en ce grand Dieu, qui soutient toutes choses par sa parole puissante; ainsi voyons nous qu'aprés que le Propheté Roy David, à dit au Pseaume. Ne vous [...]sseurés point sur les principaux d'entre les Peoples, ni sur aucun fils de l'homme à qui il n'appartient Ps. 146 3, 4, 5, 6. point de delivrer, son Esprit sort, & l'homme retourue en la terre; & en ce jour là perissent ses plus clairs desseins. Il ajoute, ô que bien heureux est celui auquel le Dieu fort de Jacob est an aide, & du quel l'attente est à l'Eternel son Dieu, qui a fais les Cieux, & la Terre.
Il ne faut pas omettre, avant que de conclure ce discours, que la consideration des Cieux, & de la Terre presente encore aux Chrêtiens, un motif, pour les porter à implorer le secours de la grace de Dieu leur Createur, a sin de venir heureusement à bout de la tâche qui leur est proposée, d'avancer incessamment leur Sanctification. La raison en est évidente, c'est que leur regeneration leur est representée dans l'Ecriture Sainte sous l'image d'une nouvelle Creation, dans deux veües differentes, premier [...]ment par opposition à la premiere matiere. Chacun [...] qu'au lieu que le neant, d'où elle fùt tirée, n'avoit point de qualités qui pussent resister à l'action toute puissante [...] Dieu, selon cet [...]iome de Philosophie, une chose [Page 53] qui n'est point, ne peut pas avoir des accidens bons, & mauvais; leur ame ou Dieu introduit la forme de la justice, & de la Sainteté, à pour elle des dispositions, & des qualités contraires, qui resistent d'abord à l'action de la grace du St. Esprit qui la Sanctifie. Secondement par raport à la Creation des Cieux & de la Terre tirés de la premiere matiere informe, parce que leur ame n'avoit aucune disposition à recevoir la forme de la sagesse, de la justice, & de la Sainteté que Dieu produit en eux, de même que la premiere matiere n'avoit aucune disposition à recevoir la belle forme du monde qu'elle a receüe; D'où il est aisé d'inferer qu'ils doivent prendre occasion de la consideration des Cieux & de la Terre que Dieu a crées par sa parole toute puissante, d'elever leurs esprits à la pensée, & à la meditation des nouveaux Cieux & de la nouvelle Terre, dans lesquels la justice habite, qui sont l'ouvrage de son esprit, & de dire au Createur de l'Univers, en tournant souvent les yeux vers le Domicile de sa Sainteté, ô Dieú crée en nous des coeurs purs & nets; Ps. 51. 12. Comme tu as dit autrefois en la Creation du Monde, que la lumiere soit, apres quoy elle fut, dis aussi dans la seconde Creation, que la lumiere de ma grace resplendisse dans leurs coeurs, & elle y resplendira tout aussi tôt, & nous ne manquerons pas d'avoir l'illumination de la connoissance de ta gloire, en la Face du Seigneur Jesus, & d'être de nouvelles creatures, créé [...]sà bonnes oeuvres.