LA DOCTRINE De l'Obeïssance Passive. SERMON Sur ce Paroles de St. Paul a Tite Chap. III. Vers 1. Exhortez les à être sujets aux Princi­pautez, & aux Puissances, & à obeïr aux Magistrats. Prononcé à Westmunster de­vant la Chambre de Pairs le 30. Janvier 1700. PAR MONSEIGNEUR L'ARCHEVESQUE D'YORK.

Traduit de l'Anglois par JAQUES SARTRE Chanoine de Westmunster.

Imprimé chez Edoüard Jones à la Savoye, & se vend chez Jean Cailloüé, Marchand Libraire dans le Strand, ou Coing de Beaufords-Building, 1700.

A MONSEIGNEUR L'ARCHEVESQƲE D'YORK, PRIMAT D'ANGLETERRE.

MONSEIGNEUR,

VOƲS avés Justifiè dans ce Sermon l'Eglise Anglicane, contre les Ca­lomnies de ses Ennemis sur le sujet de ses [Page]sentimens touchant l'Obeïssance passive, d'u­ne maniere si claire & si solide, qu'il n'y peut avoir dans cette Nation que des factieux de profession qui puissent y trouver à redire.

Il n'est pas moins necessaire MON­SEIGNEUR, de la justifier au dehors contre le mesmes Calomnies. On a Imputé à tout le Clergé d'Angleterre, les sentimens de quelque particuliers qui favorisoient le Gouvernement despotique, ou qui resser­roient ou alongeoient selon le tems, les liens de l'Obeïssance aux Puissances Superieures.

Que pouront dire ces Esprits, ou mal informez ou prevenus; lors qu'ils liront dans une Langue qu'ils entendent ce que vous en­seignez sur cette importante Matiere: Vous la traitez dans ce Sermon, d'une maniere si judicieuse, si conforme à l'Ecriture, aux Loix de la Nature, & au bur que les Peuples se sont proposez dans l'E­tablissement des societez Civiles, qu'il [Page]ny peut avoir que des Tyrans, ou des Peuples, Ennemis de la tranquilite & de l'ordre qui puissent s'en plaindre.

On ne peut doûter que les sentimens exprimez dans Vostre Sermon, ne soient precisement les sentiments de toute l'E­glise d'Angleterre; c'est un Archevê­que qui la prononcé, & un Archevê­que que sa Capacité, sa Fermeté & son Merite, à êleve sans autre secours hu­main, a cette Eminente Dignité qui l'a prononcé à la Priere de la Chambre des Pairs, dans un Jour Tres-Solemnel parmy Eux, devant une de plus nom­breuses, & si je l'ofe dire, des plus Augustes Assemblées, qu'il y ait dans l'Eglise Protestante. Cet Auguste Corps qui estoit present, en fut si satisfait qu'il ordonna le lendemain que vous en se­riez remercié de sa part, & que vous seriezprié de donner Vostre Sermon au Pu­blic; la Chambre [...]des Communes concur­rut mesme dans cette occasion avec [Page]celle des Seigneurs; mais d'une maniere si particuliere que je ne croy pas qu'il y en ait jamais eu d'exemple.

Voyla MONSEIGNEUR, les raisons qui m'ont obligé à entreprendre de traduire Vostre Sermon en Francois, affin que ceux de dehors puissent, scavoir quels sont les veritables sentimens de l'Eglise Anglicane sur le sujet de l'Obeissance qu'on doit aux Puissances de la Terre.

Vous me l'avez permis par le mesme Motif, quoy que Vous fussiez bien per­suadé, que Vostre Sermon perdroit beau­coup & de sa Force, & de sa Beau­té entre mes mains. En effet MONSEIG­NEUR il s'en faut bien que je ne croye avoir attrapé dans cette Traduction, Vos ex­pressions vives & serrées, & que j'aye peu donner assez de jour, à tous Vos judi­cieux raisonemens; mais si je ne me trompe, je me flatte d'avoir exprimé Vos sentimens avec assez de Fidelité, [Page]& ce sont sur tout Vos sentimens que j'ay voulu faire connoistre, c'est assez pour moy, si j'ay reüssi dans ce dessein, & trouvé en mesme tems, cette favo­rable occasion de Vous assurer, que je suis avec un profond respect,

MONSEIGNEUR
Vostre tres-humble & tres­obeissant Serviteur, JA: SARTRE.

Sermon sùr ces Paroles de l'Ep. de St. Paul à Tite, chap. 3. vers 1.
Exhortez les à être sujets aux Princi­pautez, & aux Puissances, & à obeïr aux Magistrats.

VOUS savez tous quelle sorte de sujet, il faut que je traitte pour satisfaire à l'obligation de ce jour, puis que pour repondre au dessein que l'on c'y est proposé en le ce­lebrant, le grand devoir d'un Predicateur, est d'insister sur l'obeïssance inviolable, que l'on doit aux Puissances qui nous gouvernent, & de Prêcher contre les factieus & les rebel­les. C'est dans cette veüe que l'ordre mar­qué dans nôtre liturgie, pour le service Divin de ce jour porte expressément que si au lieu d'y lire une de nos Homilies, il y a un Ser­mon, il sera toujours sur cette matiere.

Et ce n'est pas sans de grandes raisons que nos Superieurs ont pris soin d'ordonner des Jours extraordinaires, dans lequels les Predica­teurs seroient obligez de Prêcher sur ce sujet, d'une maniere plus solemnelle; car quoy qu'il [Page 2]soit aussi necessaire de Prêcher sur cette ma­tiere que sur aucune autre. On n'ignore pas qu'il y a parmy nous plusieurs Personnes, qui croyent que la chaire de l'Evangile, n'est nul­lement un lieu propre pour traiter ces sortes de sujets, j'avoüe que je les ay eües en veüe, lors que je me suis determiné à choisir les pa­roles que je viens de lire en nôtre presence, parce que j'ay crû y trouver des raisons in­vincibles pour refuter cette erreur.

St. Paul dans ces paroles recommande à Tite d'Exhorter les Peuples qui seront commis a ses soins d'être sujets aux Principautez, & aux Puissances, & d'obeïr à leurs Gouverneurs.

J'ay donc deux choses à considerer dans ces paroles la. 1. Qui est celuy à qui St. Paul or­donne d'exhorter. La seconde en quoy con­siste cette Exhortation.

Je commence d'abord par la personne à qui St. Paul êcrit cette Epître, & à laquelle il im­pose ce devoir d'Exhorter les Peuples à être sujets.

La Personne c'est Tite, c'est un Ecclesiasti­pue, un Evêque, un Predicateur de l'Evangile, ce n'est ny un Laîque, ny un Magistrat c'est purement un Homme d'Eglise, Consacré par la main de St. Paul, ce Caractere dont Tite pa­roist icy revêtu, n'est pas seulement un Argu­ment invincible, pour refuter la pensée de ceux qui s'imaginent, qu'il n'appartient pas à un Pre­dicateur de traiter en chaire ces sortes de sujets, [Page 3]il prouve de plus qu'une des parties essentielles des fonctions de son Ministre est de Prêcher l'Obeïssance & la fidelité au Gouvernement, que c'est un devoir qui luy est imposé, & qu'il doit necessairement remplir pour repon­pre à l'intention de St. Paul, s'il y à qu'elcun qui ose soûtenir le contraire, ou il faut qu'il dise que St. Paul na pas bien instruit son Dis­ciple, qu'il luy à imposé un devoir, qui ne peut être imposé à un Evêque: Ou qu'il fasse voir que le Ministere de Tite est different, de ce qu'est aujourd'huy le Ministere de l'Evangile, & je ne pense pas qu'il soit bien facile, pour ne pas dire impossible de prouver aucune de ces deux choses.

Et cependant nous sommes venus dans des temps, ou les Ministres de l'Evangile qui s'ac­quitent de ce devoir dans leurs chaires, sont exposez à de tres sevéres censures, j'avoüe que selon mon sentiment un Ministre de l'Evan­gile est l'Homme du monde, qui à le plus d'in­terest à se mêler le moins des affaires d'autruy, n'a t'il pas dans le siennes propres assez d'oc­cupation, c'est une sorte d'occupation même, qui malgré toutes les precautions imaginables, luy fait toûjours naître mille difficultez, & mille ennemis; ne manqueroit il donc pas de pruden­ce, s'il vouloit se charger d'autres soins que ceux qui regardent les fonctions de son Ministere, & s'exposer ainsi sans necessité à des dangers presque inévitables. Une si fausse demarche. [Page 4]rendroit tout son Ministere infructueux, puis qu'il est certain, que le succez de ses veilles, & de ses trauvaux, depend particulierement de l'Estime qu'on à pour sa personne, & de la bonne opinion, qu'on a de sa conduite.

Mais la question est de savoir ou est donc le scandale, & si l'on a sujet de condamner un Predicateur, pour traiter dans ses Sermons la matiere de l'Obeïssance au Gouvernement; on pretend que pour plusieurs raisons, il ne le doit jamais faire, j'en toucheray icy quelques unes.

On dit en premier lieu, que le devoir d'un Ecclesiastique, est d'instruire les Hommes dans la Religion de Jesus Christ, de Prêcher contre le peché, & contre le vice, d'Exhorter a la Sainteté, à l'Amendement de vie, à une affe­ction mutuele, & a la Charité, & quel raport dit on, ont toutes ces matieres, avec celles du Gouvernement.

Je repons qu'a la verité ces deux sortes d'af­faires, sont de deux ressors bien differens, & que ce qui n'appartient qu'aux Ministres d'E­tat, ne doit jamais être l'occupation d'un Mi­nistre de l'Evangile; le seul ouvrage qui luy a êté donné à faire, c'est de faire de bons Chrêtiens soit en s'efforçant de graver profon­dement dans leurs coeurs, la Doctrine & les Pro­messes de nôtre Sauveur, soit en les persuadant à conformer leur vies à la Sainteté de ses Precep­tes, c'est la à proprement parler nôtre affaire, & nous sommes infideles à nôtre devoir, si elle seu­le [Page 5]ne nous occupe tous les jours de nôtre vie, n'est cē donc pas abandonner l'autel, n'est ce donc pas abandonner la chaire, que d'y mêler des Matieres qui regardent purement le Gouver­nement de l'Etat.

Mais apres tout, s'ensuit il de tout cela, que nous né soyons pas obligez autant de fois que l'occasion s'en presente, à prêcher l'Obeïssance & la Fidelité que nous devons à nos Gouverneurs, non ce n'est pas là proprement une affaire d'Etat, c'est une affaire de l'Evangile, & nous ne pouvons instruire les Hommes dans la Religion de Jesus Christ, sans leur enseigner cette Doctrine.

S'il êtoit indifferent à un Chrêtien pour être sauvé, d'être bon ou mechant sujet à son Prin­ce, peut être pourroit on dire alors qu'il seroit in­different à un Predicateur d'enseigner cette Do­ctrine, mais il s'en faut bien que la chose ne soit ainsi.

Car l'Ecriture nous enseigne, qu'une des par­ties essentielles de la Saintete d'un Chrêtien, c'est de se conduire paisiblement d'obeïr au Gouver­nement, sous lequel il vit, non seulement par la crainte de l'irriter ou d'en être puny, mais encore par principe de conscience: & la pratique de cette Vertu, nous est aussi necessaire pour obte­nir le Salut, que la pratique des autres Vertus qui nous sont recommandées dans l'Ecriture, c'est pourquoy si nous voulons instruire les Hommes dans la Religion de Jesus Christ, & dans tous les differens points de la Sainteté que cette Religion [Page 6]exige de nous, nous devons les instruire aussi dans celuy qui regarde l'Obeïssance.

Un des plus grands & de plus enormes pêchez que l'Evangile nous ordonne d'eviter, c'est le pe­ché de Sedition & de Rebellion, si nôtre Ministere nous oblige donc à prêcher contre les vices & contre les pechez opposez contraires au Christia­nisme, quî doute que ce ne soit nôtre devoir de foudroyer ce peché?

Nous avoüons qu'un des grands devoirs que nous impose nôtre Caractere, c'est de recomman­der, c'est de presser la necessité d'un amour Chrê­tien, & de la charité, mais si ce point est neces­saire comme il n'en faut point douter, celuy de recommander l'Obeïssance à l'authorité Legiti­me, ne l'est il pas autant ou plus, puisque sans Obeïssance, il est impossible que cet Amour & cette Charité subsistent, c'est leur commun lien, c'est ce qui les unit: rompez ce lien, rompez ce noeud de leur societé: Que seront les Hommes? Des Ours & des Tygres, les uns aux autres.

Mais ajoute t'on, est ce aux Predicateurs à traitter dans leur chaires ce point delicat de l'O­beïssance, en sont ils des Juges competens, savent ils les justes bornes de l'Obeïssance & de la Fide­lité, ce que c'est que d'être un bon, ou un nou­vais sujet à sa Patrie, ces choses dependant abso­lument, & de l'Etendue qu'on donne aux loix, & de la constitution du Gouvernement, sous lequel nous vivons, dont la determination & le juge­ment appartient proprement aux cours Civiles, & non pas aux Gens de leur caractere.

J'avoüe que le jugement de toutes ces choses, appartient proprement à nos Parlemens comme Legislateurs, à nos Juges & à nos Legistes comme aux interprêtes des Loix, & que ce n'est point à nous dans nos Chaires à entrer dans la discussion de ces points, malheur à quiconque de nous l'entreprend, il en repondra, & devant Dieu & devant les Hommes, tout ce que nous pretendons, est d'enseigner en general les devoirs indispensa­bles de l'Obeïssance des Peuples, aux Loix, & aux Puissa nces Souveraines, Lecon que Jesus Christ & ses Apôtres nous ont enseigné, en mille, & mille endroits de nos Saints Livres.

Il est vray qu'un Ministre de l'Evangile seroit inexcusable s'il faisoit de sa Chaire un Siege de Judicature, s'il y donnoit son jugement, sur la maniere dont les affaires publiques doivent être maniées, s'il vouloit enseigner comme l'ayant apris de Christ, de quelle maniere doivent être gouvernez les Royaumes ou les Republiques, s'il entreprenoit de marquer les limites du pouvoir Souverain, les Prerogatives du Prince, ou la li­berté des sujets dans le Gouvernement ou nous vivons, ce seroit entrer dans des matieres pure­ment d'Etat, & je ne sçay comment il pourroit se deffendre d'une juste Censure, pour s'être mê­lé d'affaires qui n'estoint pas de sa commission: c'est la proprement entrer dans des misteres de Politique, & faire une manifeste usurpation, sur les droits d'une profession bien differente, & qui n'appartiennent qu'a des Gens d'un tout autre [Page 8]Caractere, bien loin que j'approuve cette teme­rité, elle me paroît aussi ridicule dans un Predi­cateur, que s'il vouloit se meller dans sa Chaire, de decider du droit d'une possession, qui se dis­pute par deux Avocats dans le barreau.

Mais quel rapport a tout cela, à l'Exhorta­tion que fait un Predicateur à obeïr & à être su­jets au Gouvernement, qu'il paroisse aussi odieux qu'il vous plaira, s'il se mêle des affaires qui son purement Politiques, il est certain qu'on ne peut nier que ce ne soit son devoir, d'exhorter tous les sujets à être fideles à leur Prince, à vivre paisiblement sous son Gouvernement, à obeïr à toutes les Loix qui sont faites par une authorité Legitime, à s'y soûmetre quand on ne peut pas obeïr, & à n'exciter jamais sous ce pretexte au­cun trouble dans l'Etat, c'est la le grand devoir d'un Ministre de l'Evangile, & tout ce que je soûtiens, qu'en matiere de Gouvernement il a le pouvoir de faire.

Ne sortir pas de ces bornes, ce n'est pas se mê­ler de ce qui est purement Politique, ce n'est ny resserrer les Prerogatives du Prince, ny êtendre la liberté des sujets, ce n'est point entrer dans les disputes que les interprêtes des Loix peuvent faire naître sur ces matieres, c'est faire nüement & simplement des leçons de Paix, de Fidelite & d'O­beïssance à nos Conducteurs; Leçons que les loix de la nature ont gravées dans nos coeurs, Leçons que Jesus Christ & ses Apôtres ont enseignées, par tout où ils ont porté leurs pas, Leçons en un [Page 9]mot, qui sont enseignées encore aujourd'huy dans tous les Gouvernemens du monde, soit Monarchies, soit Republiques.

Et s'il arrive quelque fois, que nous soyons obligez de faire de ces regles generales des ap­plications particulieres, au Gouvernement éta­bly parmi nous, c'est seulement dans des choses qui n'appartienent proprement qu'a nô­tre Nation, & qui sont visiblement essentielles à la Constitution de son Gouvernement, tels que sont, par exemple les Serments d'Allegean­ce & de Supremacie, & tous les autres que nos Loix font prendre à tous les Sujets, pour la seureté du Gouvernement: s'il est donc ne­cessaire pour observer, tous ces divers Serments, d'être bien instruit, & de leur Nature, & de leur Obligation; peut on croire qu'un Predi­cateur sorte de son Caractere qu'il usurpe l'Office d'autruy, lors qu'il prêche, lors qu'il insiste sur ses matieres aussi importantes à la Religion, qu'a l'Etat même: Et si c'est le de­voir de châque Sujet, d'être instruit de toutes ces choses pour les pouvoir pratiquer? Qui doute que ce ne soit le devoir de leurs Pasteurs, & de leur en recommander la Pratique.

Enfin on objecte qu'il est presque impossi­ble, qu'un Predicateur s'engage dans ces Ma­tieres, sans se trouver luy même insensiblement engagé, dans quelcun des partis, & sans entrer peut être dans ces malheureuses factions, que l'on voit trop souvent parmy nous. Est il rien [Page 10]de plus indigne d'un Ministre de l'Evangile de paix, que d'entrer dans des partis, & dans de factions. Objection ridicule, foible raisonnement s'il en Fût jamais, car je vous prie; Est ce une Faction, est ce un Party, que le Gouverne­ment êtably pour les Loix, qui le poura, qui osera disje s'efforcer de le maintenir; est ce fa­voriser un tel party, ou une telle faction? quelle pensée plus ennemie du bon sens: il n'est à proprement parler de factieux, il n'est de fauteurs de partis, que ceux qui s'efforcent de mêpriser, d'affoiblir, & de detruire le Gouverne­ment & les Loix, quels que peussent être leurs principes, quelque pretextes dont ils se servent, ils ne peuvent eviter cet titres odi­eux. Mais un Ministre de Jesus Christ, qui prêche, qui recommande l'Obeïssance & la Su­jettion aux Loix, bien loin d'entrer dans au­cun de ces Partis, dans aucune de ces Factions, se declare au contraire contre tous ces Partis, contre toutes ces Factions, & il est obligé de le faire: son devoir, son Caractere l'oblige non seu­lement à se ranger du coté du Gouvernement êtabli par les Loix, mais de plus à s'opposer aussi vigoureusement qu'il luy est possible, à tous ceux qui par de voyes secretes tachent de l'ebranler, ou qui osent l'attaquer à force ouverte: en un mot il doit se declarer contre tous ceux qui voudroient y faire des change­mens & des innovations, par quelques noms qui puissent se distinguer; lors sur tout qu'ils travail­lent [Page 11]à ces changements par d'autres moyens, que ceux que les Loix, & la Constitution es­sentielle du Gouvernement ne le permettent.

Voyla ce que j'avois à remarquer sur la pre­miere partie de mon Texte, je veux dire sur le sujet de la personne, à laquelle St Paul recom­mande d'exhorter. Je passe à la Seconde partie, qui est l'exhortation, la chose elle même que l'on ordonne aux Peuples d'être sujet aux Principau­tez & aux Puissances, & d'obeïr aux Magi­strats.

Il se trouve icy deux choses a bien examiner avec soin. La Premiere, quelles sont ces Princi­pautez, ces Puissances & ces Magistrats; La Seconde, en quoy consiste cette sujettion, & cet­te Obeïssance que nous leur devons.

Ces Principautez, Ces Puissances & Ces Magi­strats, sont sans doute les Chefs Supremes & Souverains de châque Nation, & les Officiers êta­blis par eux? Que la forme du Gouvernement soit ce quelle voudra selon les Constitutions des differens Païs? Que l'authorite Souveraine, soit deposée entre les mains de plusieurs ou d'un seul, il n'importe: Ce sont la les Principautez, ce sont les Puissances ausquelles nous devons être sujets, & ceux ausquels ils ont commis l'exercice de leur authorité, sont les Magistrats, & les Gouverneurs ausquels nous devons obeïr.

St. Pierre dans le second Chap. de sa premiere Epître d'êcrît de cette maniere, ces differentes Puissances, faisant sans doute, allusion au Gou­vernement [Page 12]de Rome sous lequel il vivoit, & qui êtoit alors Monarchique. Soyez sujets dit il: à tout ordre humain pour l'amour de Dieu, soit au Roy comme celuy qui est par dessus les autres, soit aux Gouverneurs comme à ceux qui sont envoyez par luy, car telle est la volonté de Dieu. l'Autheur de l'Homilie, qu'on lit quelque fois dans nos Eglises dans un jour comme celuy cy, commence ainsi ces paroles de St. Pierre.

St. Pierre dit il: ne dit pas soümettez vous à moy comme au Souverain Chef de l'Eglise, il ne dit pas non plus soumettez vous a ceux qui seront mes Successeurs dans Rome: mais il dit; Soumettez vous à vôtre Roy vôtre Chef Souve­rain, & à ceux qui exercent son authorité sous luy, c'est l'ordre de Dieu. C'est la Sainte volonté de Dieu, que dans quelque Royaume que ce soit, tout le Corps de l'Etat, toutes les Parties, tous les Membres qui le composent, soient su­jets, soient obeïssans à leur Chef, à leur Souve­rain, & à leur Roy.

Mais quelle est cette sujetion, qu'elle est cet­te Obeïssance qu'il faut maintenant considerer, & que l'on doit aux Principautez & aux Puissances, elle renferme plusieurs devoirs.

Elle veut par exemple, que l'on rende à leurs Personnes, tout l'Honneur, le Respect, & la Re­verence possible, comme à des Viceregens de Dieu, & qui sont veritablement ses Lieutenants sur la Terre.

Que jamais on ne censure temerairement leurs [Page 13]Actions, ny l'Administration de leur Gouver­nement.

Que jamais, en aucune maniere l'on ne les mê­prise ni n'en parle mal, nous resouvenant du Ca­ractere que donne St. Jude, de ceux qui mepri­sent les Puissances, & qui parlent mal de ceux qui sont êlevez en Dignité.

Cette Sujetion, cette Obeïssance, veut encore qu'êtant obligez comme nous le sommes tous, d'of­frir à Dieu des prieres des Supplications, des Voeux & des actions de Grace pour tous les Hom­mes: on en offre selon que nous l'enseigne. St. Paul, bien particulierement pour les Souverains & pour tous ceux même qui sont en quelque Authorité sous Eux.

Elle veut de plus que selon l'expression du mê­me Apôtre, on leur paye ce qui leur est deu de tribus & de droits; c'est à dire toutes les Taxes legitimement imposées, pour soûtenir les Depen­ses, & la Gloire du Gouvernement.

Elle veut que l'on employe tout ce qu'on a de pouvoir & d'industrie, pour maintenir leur au­thorité, leurs droits, & tout ce que la Loy Fon­damentale du Païs, a attaché de Privileges ou de Prerogatives à la Majesté de leur Office, & à la Dignité de leur Personnes.

Elle veut qu'au besoin, on les assiste, & qu'on les deffende contre leur Ennemis. Que chacun dans sa condition particuliere, vive paisiblement & mo­destement, pour rendre par ce moyen leur Gouvernement aussi aisé, & aussi heureux, que [Page 14]l'on en peut être capable, sans jamais nous inge­rer dans aucune des affaires Publiques, ou ils ne nous ont point appellez.

En un mot que nous Obeïssions à toutes leurs Loix, & s'il arrive que nous ne puissions pas le faire en seureté de conscience, nous devons pa­tiemment souffrir tous les châtimens, dont nôtre desobeïssance peut être punie, êvitant sur tout d'affronter les Personnes de nos Superieurs, de troubler leur Gouvernement, & d'être jamais les Autheurs ou les Fauteurs, de la Rebellion & du desordre.

Tout ce que je viens de vous dire, & que je n'ay fait que toûcher en passant, est renfermé dans ce devoir de la Sujetion & de l'Obeïssance, que nous devons aux Principautez, & aux Puissances, comme il seroit tres-facile de le prouver, en par­courant chacun de ces devoirs en particulier; si je ne craignois pas de lasser vôtre patience. Je vous le demanderay seulement, pour insister un peu d'avantage fur les deux derniers dont je viens de vous parler, par ce qu'ils sont d'une pratique si êtendüe, qu'ils comprenent en quelque maniere tous les autres, & qu'il semble que St. Paul les avoit principalement en une dans nôtre Texte, Exhortez les (dit il) à être sujets, Exhortez à leur obeïr. Dans la premiere de ces expressions, vous voyez claire­mentmarqué le devoir de l'obeïssance Active, aux Loix, & aux Ordres de nos Gouverneurs: Dans la Seconde, quelle doit être nôtre foumission quand nous ne pouvons pas obeïr.

Pour ce qui regarde l'obeïssance Active; car c'est proprement par elle qu'il faut commencer, tout ce qui me paroît le plus necessaire d'en dire, pour le bien êclaircir: Cette Matiere, se peut ren­fermer dans ces quatre Propositions.

La premiere que les Loix receües dans châque Etat, sont la regle de l'Obeïssance, & non pas sim­plement la volonté du Prince.

J'avoüe que dans les Etats, où le pouvoir Legis­latif & le pouvoir d'executer les Loix, sont dans une même main, comme dans ceux qu'on appel­le Monarchies absolües. La Loy c'est la volonté, c'est le bon plaisir du Prince: mais dans les Etats où les Peuples ont le bonheur de vivre sous un E­tablissement legal, tel qu'est le nôtre; là les Loix publiques sont les regles de nos Actions, & non pas la Volonté, & le plaisir particulier du Prince, ainsi, quoy que les Rois ne puissent commetre au­cune injustice, comme c'est une maxime receüe parmy nous, les Sujets sont responsables de tout ce qu'ils font contre les Loix, quand même ce se­roit par les Ordres de leur Princes.

Je dis en second lieu, que là ou les Loix sont êtablies par une authorité Legitime, soit pour les matieres Civiles, soit pour celles qui regardent la Religion; si ces Loix ne sont pas contraires aux Loix du Souverain Legislateur, là le sujet est obli­gé en conscience de les observer, quand même il seroit persuadé quelles peuvent être prejudiciables.

J'avoüe pourtant qu'il y à de certaines Loix; qui sont de si peu de consequence, qu'il n'est pas [Page 16]fort necessaire de s'attacher scrupuleusement à les observer, que c'est assez qu'on se soûmette à la peine que ces Loix infligent, en cas qu'on vienne à les trangresser, & il y à de l'apparence que les Le­gislateurs n'ont pas pretendu, en êtendre l'obli­gation plus loin, quand il y à neantmoins des raisons suffisantes pour le faire, ils ont autant de droit de lier nos consciences à l'Obeïssance des Loix, que d'ordonner des peines pour châtier la d'esobeïssance: la raison en est claire, c'est parce­que nous sommes obligez par les Loix de Dieu, qui a une Souveraine authorité sur nos Conscien­ces, d'obeïr à nos legitimes Gouverneurs dans des choses Legitimes.

Je dis bien plus, & c'est ma troisieme Proposi­tion, que quand même nous serions en quelque doute, sut la Justice des ordres de nos Superieurs, nous sommes obligez de leur obeïr, tant que nous serons dans le doute, & que nous ne serons pas persuadez, que leurs ordres sont injustes; car il est certain que l'authorité de nos Gouverneurs, doit prevaloir sur les doutes d'un particulier, il y à toutes les raisons du monde pour cela, & je n'en voy aucune pour justifier le contraire.

Quelle est je vous prie nôtre pensée, quand nous disons qu'un Homme est en doute, si une chose est juste ou injuste? N'est ce pas lors que son juge­ment demeure suspendu, sur une question entre des raisons opposées, qui semblent depart & d'au­tre la rendre egalement probable, les unes la font pancher à croire, que la chose est juste, les [Page 17]autres à croire quelle est injuste, & de deux côtez ces raisons ont tant de vraye semblance qu'il ne sçait ni comment il doit determiner son Esprit, ni quel Jugement il doit former de ce qui est en question.

C'est la l'Idée de ce qu'on appelle un doute; Or en ce cas si l'authorité intervient, & se declare toute d'un côté, de sorte que non seulement elle prononce que la chose se peut justement faire, mais que même elle veût quelle se fasse & le commande par un ordre exprés: je soûtiens qu'a lors s'il manque asses depoids à l'authorité pour faire pancher la balance & nous porter à obeïr, il faut qu'il ny est ait rien de plus leger ny de moins important; & qu'elle serve bien peu à la conduite des affaires humaines.

Mais en Quatrieme & dernier lieu, si la matiere de l'Obeïssance est entierement hors de doute. Si le Commandement qu'on nous fait bien loin d'être juste, est directement opposé aux Loix de Dieu, personne en ce cas la n'est tenû d'obeïr, puis qu'au contraire on est indispensablement obligé de n'obeïr pas.

Si les Loix de l'Etat, authorisées mêmes par les premieres Puissances du monde, nous com­mandoient de croire, ce qui nous paroît manife­stement contraire à la Doctrine de Jesus Christ & de ses Apôtres; ou si dans quelque matiere que ce soit de Religion, ces mêmes Loix nous ordon­noient de confesser, & de declarer que nous croyons ce que nous ne croyons pas; ou si enfin elles nous vouloient obliger à faire quelque Action, que [Page 18]nous serions persuadez en conscience être directe­ment contre un commandement de Dieu, je soû­tiens que dans tous ces cas differens; on ne de­vroit jamais obeïr à aucune de ces Loix, quelque grande que fût l'authorité qui l'auroit êtablie; la raison en est evidente: Car c'est une maxime ge­neralement receüe, qu'il faut plûtôt obeïr à Dieu qu'aux Hommes. Quelque chose en effet que commande une Loy Divine, il n'est point de loy humaine, qui puisse dispenser de l'obligation d'y obeïr, comme il n'en est pas non plus qui puisse nous obliger à faire ce que l'autre nous a deffendu.

Quand on se tromperoit même dans le juge­ment que l'on fait, & qu'on s'imaginat faussement, être lié par la Loy de Dieu, lors qu'en effet on ne lest pas, cela ne change rien pour la pratique foit donc que nos lumieres sont vrayes ou fauses, on est toûjours obligé de les suivre, parce qu'il ne nous est jamais permis de rien faire contre les mouvemens de nôtre conscience. Mais il est im­portant de se soûvenir, que dans des Matieres, ou l'authorité des Loix humaines est interveüe, il est necessaire d'empêcher, autant qu'on le peut, que nos consciences, ne se trompent, car si nous ve­nons à faire un faux jugement, & qu'estant ainsi trompez, nous refusions une Obeïssance que nous devons justement aux loix; c'est en vain que l'on pretendra se justifier sur l'obligation, de ne rien faire contre sa conscience: car quoy que ce soit un grand pêché de faire ce quelle n'approuve pas, on seroit pourtant sans excuse, si on desobeïssoit [Page 19]à des commandements Legitimes quelle n'approu­ve pas, à moins que nous ne puissions justifier clairement que nous avons pris tous les soins, & toutes les precautions imaginables, pour ne nous point tromper dans nos jugemens.

En voyla assez pour ce qui regarde cette Obeïssance que nous devens aux Loix, êtablies dans l'Etat. Je viens à present à examiner cette seconde Expression de St. Paul, soyez sujets à vos Gouverneurs, & c'est ce qu'en d'autres termes on appelle, se soûmetre patiemmant à leurs ordres, lors que sans blesser sa conscience on ne peut actue­lement les executer,

C'est la cette Doctrine si celebre de l'Obeïssance passive, que dans ces derniers tems, plusieurs d'en­tre nous ont trouvée, si scandaleuse; mais j'ose dire, que c'a esté sans autre raison que pour ne l'a­voir pas considerée dans son veritable jour: car par tout ou elle fera, & bien expliquée & bien en­tendüe, elle ne peut offencer que des Esprits in­quiets, mécontens, malintentionez à l'Etat, & qui ne demandent que des changemens, & de nou­velles revoltes.

Il ne faut que conoître la nature du Gouverne­ment, & le but que l'on s'est proposé dans l'insti­tution des societés Civiles, pour connoître en mê­me tems, qu'il faut une si grande soumission à l'au­thorité Souveraine, quelle lie entierement les mains des sujets, sans leur laisser la moindre liber­té de luy resister jamais, ni de prendre les armes contre elle: Et j'ose assurer qu'il ny à point de Gouvernement sur la Terre, qu'il puisse être Mo­narchie [Page 20]absolue, Monarchie temperée, Aristo­cratie, où Republique, qui ne reconnoisse cette Doctrine pour une partie essentielle de sa Consti­tution: oüy les sujets doivent obeïr passivement, quand ils ne peuvent pas activement obeïr sans cela, le Gouvernement n'auroit point de fermeté ni de fondement solide; & la tranquilité publique, y seroit exposée à la mercy de tous les mécontens qui pourroient causer à tous momens, de nou­veaux troubles, exciter des soulevemens, être re­belles & traitres, sans craindre jamais d'en être punis.

Et ce n'est pas seulement une Doctrine d'Etat, c'est aussi une Doctrine de Jesus Christ, Doctrine necessaire, Doctrine indispensable, & cela paroît manifestement dans ces remarquables paroles de St. Paul, au Chap. 13. vers 1, 2. de son Ep. aux Rom. elles sont si claires & si positives, quelles n'ont pas besoin de commentaire. Que tout ame (dit il) soit sujette aux Puissances Superieures, car il ny a point de Puissance qui ne viene de Dieu, & les Puissances qui sont, c'est luy même qui les á or­données, c'est pourquoy celuy qui s'oppose auz Puis­sances, resiste à l'ordre de Dieu, & ceux qui y resi­stent attirent la condemnation sur euxmêmes. Aussi long tems donc que l'on trouvera ces paroles dans nos Saints Livres, la Doctrine de la nonresistan­ce, ou de l'Obeïssance passive doit être receüe, doit être pratiquée par tous les Chrêtiens.

Mais aprez avoir êtabli cette Doctrine gene­rale, il faut bien prendre garde, à n'en pas faire mal à propos des applications particulieres pour [Page 21]toutes sortes de païs: carquoy qu'en general, la nonresistance l'Obeïssance passive, soit un devoir imposé à tous les sujets, sous quelque Gouverne­ment qu'ils puissent être; ce devoir n'est pour­tant pas le même en tous lieux, la pratique en est differente, presque dans toutes les differentes Nations, selons les divers Modeles, & la forme differente des divers Gouvernemens.

Pour m'expliquer sur ce grand sujet aussi clai­rement que j'en suis capable, je dis que comme les Loix de châque Païs, sont les regles & les mesu­res de nôtre Obeïssance active, les même Loix sont aussi les regles & les mesures de nôtre soumis­sion, & comme nous ne sommes obligez d'obeïr que là ou les Loix, & les Constitutions du Gou­vernement demandent nôtre Obeissance, aussi ne sommes nous obligez de nous soumêtre, qu'autant que les Loix, & les Constitutions de l'Etat dê­mandent nôtre soumission.

Si c'est la le veritable sons de la Doctrine de l'O­beïssance passive comme je le croy certainement, je ne voy ni raison, ni apparence de raison qu'on puisse objecter contre la verité d'une si saine Do­ctrine, je suis seur du moins, que le pretexte qu'on prend pour la decrier, qu'elle tend à introduire la Tyrannie, & le Gouvernement arbitraire, & à faire autant d'Esclaves qu'il y à des sujets; est un pretexte ridicule, & tres mal fondé: car vous voyez clairement que cette Doctrine, telle que je viens de l'Etaler à nos yeux, ne rend pas le Princes ab­solus, là oú par la Constitution du Gouvernement, ils ne l'estoient pas auparavant, qu'elle ne detruit [Page 22]pas non plus la liberté du sujets, là où ils estoient auparavant en possession de cette liberté. Tout l'effet que peut produire une telle Doctrine, c'est de mettre en soureté: nos Royaumes, & de les main­tenir dans la situation naturele, sur le pied de son propre êtablissement: cette verite est si con­stante, que j'ose dire qu'il n'est point de Republi­que, point de nation dans l'Univers, quel que li­bre quelle puisse être, où cette Doctrine de l'O­beïssance passive, ne soit receüe, & ne soit enseignée, comme absolument necessaire, pour la conserva­tion même de leurs libertez.

Mais qu'elle part devons nous prendre à cette Doctrine, êtant ce que nous sommes, & jusques où selon les, Loix fondamentales du Royaume, on la doit etendre ou renverser; ce n'est ni dans la Chaire que cela se determine, ni une question que je doive resoudre: l'occasion pourtant qui nous assemble aujourd'huy, ne me permettra pas seulement, mais m'obligera même, d'ajoûter icy quelque chose sur ce sujet, & c'est toute l'appli­cation que j'ay dessein d'en faire, elle se reduita à ce que vous allez entendre.

Que par toutes les Loix de ce Royaume, la Personne du Roy est Sacrée & Inviolable, que d'attenter à sa Vie, pour quelque cause & sous quelque pretexte que ce puisse être a toû­jours êté, & est encore un Crime de la plus haute Trahison, & si cela est (comme il n'en faut poin douter,) que peut on penser, que peut on dire de cette Action, qui fût commise dans un jour comme celuy cy, contre la Personne de nô­tre [Page 23]Souverain CHARLES Premier d'heureuse Memoire, prenons la avec toutes les circumstan­ces qui la precederont, & qui la suivirent. En ve­rité on peut dire que quelque peu d'horreur, que quelque uns d'entre nous ayent d'une Action si horrible, quelque leger que ce Crime leur paroisse, il faut avoüer que ce fût le plus barbare de tous les Meurtres; un Meurtre qui viole les Loix de Dieu & des hommes! un Meurtre qui sera à jamais le scandale de la Religion Protestante! un Meurtre qui sera un reproche eternel, à tout le Peuple d'Angleterre: puis que la malice de nos Ennemis a imputé à toute nôtre Nation, la rage impie de quelques furieus; je croy que je puis dire tout cela d'un attentat, & d'une Action si terrible: Car je ne dis que ce que les Seigneurs, & les Communes d'Angleterre en ont dit dans cet Acte de Parle­ment, qui ordonne la Celebration de ce Jour, par un jeûne renouvelé tous les Ans à perpetuité.

Je n'ignore pas combien il y en à qui êcoutent avec chagrin, & avec peine, ce que je dis sur ce triste sujet, & combien ils seroient ravis, & que l'Action, & que la memoire de l'Action fût oubliée au milìeu de nous: j'avoüe que je le soûhaiterois moy même, pour veû que nous fussions assurez que Dieu l'eut oubliée aussi: je veus dire que Dieu l'eut oubliée en ne nous faisant pas sentir plus long tems sa juste colere, pour la vangeance de ce Sang innocent; pourveu aussi que ces principes Républicains, ces principes Factieus qui ont deja renversé une fois nôtre Gouvernement, & con­duit un Prince si excelent à une fin si malheureuse, [Page 24]& si tragique, fussent si fort oubliez parmy nous qu'il ni eût plus de danger à en craindre, ni de voir jamais cette Nation, servir encor de Thea­tre à de pareilles Tragedies: Mais aussi long tems que nous aurons sujêt d'en apprehender les mêmes fureurs, aussi long tems sera-t'il necessaire de se souvenir de cette horrible Action, & d'en Ce­lebrer une perpetuele Memoire, le même jour qu'elle se commit, non seulement pour y implorer la Misericorde de Dieu, affin que ni le Crime que nous reproche ce Sang aussi Innocent que Royal, ni tant d'autres pechez qui provoquent la colere de Dieu, à nous livrer & nous & nôtre Roy, entre les mains des Meurtriers si injustes, & si barbares, n'attire plus aprez ce jugement terrible, d'autres jugement sur nous, ni sur nô­tre posterité: Mais encore pour nous remettre dans l'Esprit ce grand devoir, qu'avec l'autho­rité de St. Paul, j'ay pressé dans tous ce Dis­cours, vous exhortant d'être sujets aux Principau­tez, & aux Puissances, & d'obeir aux Magi­strats. Ou si vous aymez mieux que je me ser­ve des Paroles de Salomon au 24. de Prov. v. 21. Craignez l'Eternel & le Roy, & n'entretenez point de commerce avec des Gens remüans, & qui ne se plaisent que dans des nouvelles revol­tes.

FIN.

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